samedi 20 septembre 2014

Second souffle

L'alcool circule dans ses veines. Un doux poison qui inhibe toutes pensées et tout sentiment en elle. Elle marche, un sourire sur les lèvres. La musique hurle dans ses oreilles. Elle esquisse quelques mouvements de danse sans se préoccuper des regards des autres. L'alcool lui donne ce pouvoir. La nuit est noir, les trottoirs sont à peine illuminés par la lumière orange des lampadaires. Il est tard, il n'y a pratiquement personne dans les rues. Subitement, une envie sauvage s'empare d'elle. Une urgence. Elle quitte le trottoir pour aller marcher en plein milieu de la rue. Il n'y a pas de voiture, pas encore mais elle veut confirmer quelque chose. Alors au loin, les lumières blanches des fards d'une voiture l'éblouie. Son coeur se met à palpiter. L'adrénaline déferle dans ses veines et fait exploser son corps d'une douce euphorie. Le danger. La mort. Elle les sent en elle, comme un ver qui la rongerait. Elle aime le sentiment. Elle n'a pas peur. L'alcool l'empêche de comprendre totalement ce qui pourrait lui arriver si elle ne bouge pas suffisamment vite.

Elle observe la voiture foncer droit sur elle. C'est la mort qui va lui rentrer dedans. Un coup de poing en pleine figure. L'anéantissement d'une existence sans éclat. Elle se surprend à se demander si elle a envie de se pousser. Elle hésite. Elle se tien en équilibre sur la ligne jaune au milieu de la rue. L'adrénaline bourdonne à ses oreilles. Un choix qui peut sembler si simple, mais qui ne l'est pas finalement. Puis, à la dernière seconde, elle s'écarte de la trajectoire du bolide. Un coup de klaxon retentit quand la voiture passe près d'elle et la frôle. Sa robe se soulève sous la le vent et la poussière que l'auto laisse derrière elle. La jeune fille éclate de rire. L'espace d'une seconde éphémère, elle s'est sentie en vie. Un sentiment puissant et grisant qu'elle voudrait le ressentir à nouveau, là tout suite.

Elle court dans les rues déserte, laisse la musique la guider. La vie ce soir semble lui appartenir. Même si il y a deux minutes, elle a sentit la caresse de la mort sur sa joue, sur ses lèvres, elle n'y a pas succombé.  Elle a choisi. Et les couleurs de sont choix se réverbèrent sur l'asphalte et les lampadaires illuminant le ciel de scintillement aux reflets dorés.

Tout à coup, derrière elle des pas se font entendre. Ils se calque à son rythme. Elle est suivi. De nouveau, la proximité du danger lui donne des ailes. Elle court plus vite. C'est un jeu. Le jeu de la vie. Pour ressentir, elle doit agir. Elle le comprend en courant. Plus elle bouge, plus elle inhale de l'espoir et de l'assurance. Elle sait ce qu'elle veut. Elle refuse de laisser une seconde de plus de sa vie à l'inertie qui l'enveloppait depuis quelques temps. Elle réalise qu'elle a trop pleurée, qu'elle à laissé faire pendant trop longtemps et qu'elle a perdu le goût de se battre. Marionnette d'un destin fade, elle se complaisait dans son malheur. Elle refuse de s'agenouiller une fois de plus sous le poids du monde. Elle refuse d'abdiquer. Chaque seconde, où elle inspire l'air frais de la nuit, elle reprend des forces. Plus elle expire sa souffrance, son désarrois et sa solitude, plus elle gagne du terrain. Les pas menaçant s'efface peu à peu. 

Elle arrive finalement, essoufflée, au pied de l'église au coin de sa rue.  Les marches sont illuminés par la lumière du clocher. Elle s'assoie sur les plus hautes marches, son coeur cognant contre sa cage thoracique. Elle a le souffle court. Ses long cheveux blond sont en bataille. Sa robe blanche lui colle à la peau. Elle regarde la rue qui s'ouvre devant elle. Elle est seule. Il n'y a personne. La mort a échouée. Et même si les cicatrices ne se sont pas effacées, même si, maintenant que l'adrénaline quitte ses veines ainsi que l'alcool, elle ressent un peu de détresse, elle ne franchira plus jamais cette mince ligne qui traverse le néant. Elle bâtira des oasis dans le désert de sa vie. Elle élèvera des murs de soies et de fleurs. Mais plus jamais des barrières infranchissables.

Elle est jeune. Elle utilisera cette force pour semer des fleurs de vies autour d'elle. Elle échouera certainement encore quelques fois, et probablement qu'elle pleurera parfois la nuit le vide d'un amour qu'elle chérira toute sa vie. Mais elle ne succombera plus aux murmures des anges noires autours d'elle. Elle ouvrira ses bras au ciel, au soleil et à la lumière du monde. Elle sublimera la noirceur en elle, l'exposera et l'empêchera à jamais de la contrôler.  Elle créera des oiseaux aux ribambelles de couleurs magique qui scintilleront quand elle se sentira perdue. 

Elle lève les yeux vers les étoiles qui tapissent le firmament. Elle esquisse un sourire soulagé. La lune lui rend son sourire. Ce soir, une jeune fille a tenu la main de la mort, à marcher vers l'éternité de souffrance qu'elle se croyait vouée à vivre et à choisi les rêves et la lumière. Ce soir, la glorification de la vie a pris tout son sens.

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