vendredi 26 septembre 2014

Hier encore



(Thème : La brûlure du soleil)

Le vent caresse doucement la peau de ses épaules dénudées. Figée sur place, le regard rivé à l’horizon éclaboussé d’or, elle ne cesse de triturer le pli de sa longue robe d’un blanc crème sertie de paillettes multicolore. Le sable chaud lui brûle la plante des pieds. 

Elle ne bouge pas.

Elle a peur de laisser aller, de regarder en arrière et de se rendre compte que c’est bel et bien terminé. Elle ne rira plus jamais avec eux, ni ne se fera plus jamais insulté. On ne se moquera plus de sa longue chevelure de feu, de même de ses minuscules tâche de rousseur parsemées sur ses pommettes et le bout de son nez retroussé. Il semble que c’était hier encore qu’elle les apercevait pour la première fois. 

Réminiscences des jours où elle n’avait rien à faire que de paresser dans son lit. 

Quelques larmes perlées de nostalgie glisse sur ses joues fardées avec soin. Elle n’a rien laissé au hasard. C’était important pour cette dernière nuit. Elle ne voulait pas faire ses adieux en haillons. Il lui fallait être belle, pour leur laissé une image précise, une image souriante et heureuse d’une fille qui malgré les jours plus difficiles, à su s’élever au-dessus de tout. Elle déglutit difficilement, essayant de ravaler l’émotion qui la submerge. Tous les souvenirs de la vieille se bousculent à la porte de son cœur encore si jeune. Bientôt, ils se réveilleront et se rendront compte, qu’ils ont fini d’écrire l’épilogue de l’histoire. 

Elle voudrait avoir le pouvoir de cesser le temps. 

Être hier encore, dans les bras de son copain, une bouteille de bière à la main et le regard pétillant de joie et d’éternité. Elle voudrait encore ce sentiment de liberté infini qui l’a enlacé toute la nuit où ils ont fêtés. Mais tel l’océan à ses pieds, la nuit s’est retirée peu à peu pour faire place à cette journée, certes magnifique, mais qui sonne le glas de la fin de l’innocence. La fin de ce qu’elle est, et ne sera plus jamais. Elle serre les poings d’anxiété.

Une mouette passe près d’elle et laisse fuser un rire moqueur.

L’oiseau sait. Il en a vu d’autre comme elle. Des filles ou des garçons, au bord de la vie, qui oscille dangereusement entre l’euphorie et le désespoir de voir le monde s’ouvrir à eux. Un vertige enivrant, mais oh combien grand, qu’ils craignent ne pas pouvoir le contenir en eux et que celui-ci explose. Devenir adulte, en ayant encore dans les yeux, la lueur enfantine des jours pas si loin, où ils jouaient tous ensemble. 

L’innocence de ne pas savoir.

Et tandis que la mouette continu son chemin, imperméable à l’angoisse de celle sur la plage, la jeune fille fait demi tour pour retourner à la tante où tous ses amis l’attende. La brûlure du soleil qui irradie depuis déjà quelques heures dans le ciel bleu immaculé, laissera des marques rubescentes sur sa peau et lui permettra ainsi, de se rappeler encore un temps, que la veille, elle a fêté la fin de ses études secondaires.

dimanche 21 septembre 2014

Sans titre

(Thème : La photo)

 
Trois mois plus tôt :

Je marchais dans les rues clairsemées de la ville en suspens. L’automne donne toujours cette impression d’interruption. Un peu comme si la vie cessait de créer pour enfin un peu respirer elle aussi. La nature se meurt peu à peu, les feuilles aux couleurs agonisantes jonchent le sol et s’effritent à la première foulée. Le soleil décline rapidement à l’horizon, peignant le monde d’or. Je souris sans m’en rendre compte, une douce chaleur palpite à l’intérieur de moi. C’est comme une journée à la plage, où le soleil tape fort et que le vent vient caresser ta peau. J’ai envie de courir dans les feuilles, d’éclater de rire que pour l’entendre raisonner, tel la joie qui circule dans mes veines. Mes cheveux couleur fauve rebondissent sur mes épaules à chaque pas que je fais et qui me rapproche de ma maison. Un bonheur si simple, si tendre, une vie plus calme et sereine. Mon bonheur ne se résume pas à grand-chose et pourtant, je le sublime d’étincelles argentées.

Je tourne le coin de notre rue quand mon téléphone sonne. Ton nom s’affiche sur l’écran bleu. Un bonheur si simple.

-Bonjour chéri, comment vas-tu ?

-Anellysse, écoute-moi, c’est important.

Les paillettes d’or dans le ciel s’assombrissent, des nuages d’un gris froid s’amoncèlent dangereusement au-dessus de ma tête. Mon bonheur se fige sur mon visage. Le ton de ta voix est si loin des notes grave habituelles. Je me fige au beau milieu de la rue le cœur affolé, les doigts crispés sur le téléphone.

-Anellysse, ne vient pas à la maison. Je ne veux pas que tu rentres. Rebrousse chemin et va chez ta sœur. Je ferai expédier ses effets là-bas !

-Mes effets ? Que je répète bêtement d’une voix atone.

-Anely, ne joue pas les idiotes avec moi. Si tu t’approches de ma maison, j’appelle la police.

Je me retiens de répéter encore une fois sa dernière phrase. La police ? Mes effets ? Ma sœur ? Que me raconte-t-il là ? Je serre les dents avec une telle force, que j’en ai mal. Je ne comprends rien à ce qu’il me raconte. On dirait une mauvaise blague. Je déglutis péniblement et me force à avancer. Ce n’est pas sa maison, c’est la nôtre.

-Anely, gronde mon fiancé que je ne reconnais pas, ne fais pas un pas de plus.

Je réalise qu’il doit être à la fenêtre et qu’il m’aperçoit au milieu de la rue. Je refuse de l’écouter, il ne sait pas ce qu’il dit, il est certainement en danger. Pourquoi ne voudrait-il plus de moi ? Cela n’a aucun sens. J’avance, titubante, comme si j’avais ingurgité des litres de champagne. Je renifle bruyamment refusant de laisser libre ma peine. Elle ne peut pas exister puisque tout ceci est un malentendu. Je suis presque devant le jardin quand je le vois sortir comme un diable le téléphone à la main. Je suis saisi d’effroi.

-Anelysse, n’écoutes-tu jamais ce que l’on te dit ?

Sa voix glaciale me douche sur place. Les bras ballant, j’en échappe mon téléphone qui fait trois bonds dans l’herbe constellé de rosée. Tout ceci est un rêve. Cela ne peut pas être vrai. Hier encore, nous nous enlacions. Nous avions des projets. Qui est cet homme ? Il fait deux pas vers moi, le regard menaçant, je ne peux pas bouger. Je suis tétanisé d’angoisse. Le ciel se strie d’éclairs blancs. Mon monde se fendille peu à peu. Ce ne peut être vrai. Des images défilent dans ma tête, lui, dans la chambre, son corps superbe, sa longue chevelure blonde, les draps de satin verts. Quelque chose cloche pourtant dans ce décor si familier. Du sang, partout, du sang vermeil, liquide improbable. Je secoue la tête en hurlant. William fonce sur moi et plaque une main sur ma bouche. Ses yeux couleur azurés me glace le sang. Sa poigne est forte et je panique.

-Écoute bien Anelysse, j’ai été sympa avec toi, mais il faut que tu arrêtes de venir ici. Ce n’est plus chez-toi. J’aurais pu te faire emprisonner pour ce que tu as fait, mais je t’ai laissé une chance car je t’aime bien et je savais que tu n’allais pas bien. Mais je ne pourrai rien pour toi si tu persiste à revenir.

Sa voix est si lointaine, si désincarnée de celle que je connais. Il raconte un tas de sottises. Je vie ici.

-C’est notre maison William, pourquoi te mets tu dans cet état ?

Le son de ma voix dépose dans ses yeux une lueur embuée. Il me relâche et me tends un papier. Je secoue la tête et recule. Je refuse de le prendre, ceci détruira ma vie, je ne veux pas le lire. Il m’attrape le bras et le fourre dans mes mains puis s’éloigne lentement. À la fenêtre, un rideau est tiré, j’entrevois une main aux longs doigts féminins. Dans un éclair, j’aperçois la bague qui brille de mille feux.

Un sacrilège.

Une longue plainte inhumaine s’échappe de mes lèvres. Tel un animal blessé, je tombe à genou et un torrent de larmes secoue mon corps prostré. Doucement, une fine pluie se déverse des nuages trop plein et vient délaver le papier que William m’a remis. On peut y lire une restriction de la cour à mon nom. Je n’ai pas le droit de l’approcher. J’ignore combien de temps s’écoule avant qu’ils finissent par arriver. Un voisin les a alertés. J’entends des mots, sans pouvoir en faire des phrases, comme si j'étais dans un brouillard épais. Maladie, héréditaire, suicide, fiancé, dépression, puis, la voix si semblable à celui que j'ai tant aimé, qui explique à un policier : 


-J'étais le frère de William. Anelysse me confond avec lui depuis sa mort.

À ce dernier mot, quelque chose en moi se brise. Mon cœur s’éteint lentement. Devenant molle soudainement, l’ambulancier qui me soutient manque de me laisser tomber. Mais ça n’a plus d’importance, car je me souviens. Ce soir-là, quand je suis rentrée avec à la main, une note inscrite d’un médecin qui confirmait que j’étais bel et bien enceinte. Mes pas qui me guident jusqu’à la chambre et mon haut le cœur à la vision du sang, partout. William mort, la cervelle en bouilli sur le mur décoré de papier peint qu’on avait choisi ensemble. D’un geste désespéré et incompréhensible, il avait détruit notre bel avenir. Et tandis que l’on roule vers l’inconnu, je sais que jamais plus je ne pourrai rire à nouveau.

Aujourd’hui :

Tout s’en est allé, la musique qui nous unissais autrefois, le rire que nous partagions, l’amour qui nous aveuglait. Je t’ai tant aimé, comment cela a-t’ il put nous arriver ?
Tu m’as tout pris, il ne reste plus de moi, que la lente agonie. Que des notes désordonnées, qui hurlent en écho sourd dans le silence de l’éternité. Je m’entends encore, supplier tes yeux froids. Les murs blancs sont étroits, il n’y a pas de fenêtre. Ils ont dit que c’était pour ma sécurité, pour la sécurité de l’enfant que je porte. Mais je n’en veux pas. Alors ils m’ont attaché. Je suis comme cette femme sur le tableau de ma chambre. Nue et seule au milieu de l’infini. Au milieu de nulle part.

samedi 20 septembre 2014

Lettre anonyme

(Thème : Lettre anonyme)


À toi que j’ai tué le 27 mai 2004,

Je ne sais pas comment t’écrire cette lettre. Tu ne pourras jamais la lire. Je me sens idiote. Je voudrais tellement, pour une fois dans ma vie, pouvoir changer le passé. J’ai fait une erreur. Ce n’en était pas une au début. Je l’avais acceptée. Puis, les années ont passées. C’est ça le pire. On se croit tout puissant à vingt et un ans. On croit tout savoir sur la vie, sur nous-mêmes, sur les grandes questions sans réponses. On songe, bêtement, que tout s’arrange. Que nos gestes, n’auront pas de conséquences et pourtant…

Je suis désolée. Même si ce mot n’a aucun sens. Même si cela ne change rien. Je me suis déjà apitoyée. Trop. Tout ce que je pourrai dire ou écrire, n’aura jamais de sens à mes yeux et au tiens. J’étouffe. Ce poids sur ma poitrine. Ça hurle à l’intérieur. Un cri sans son. Un cri d’impuissance. Je suis désolée. Je ne savais pas.

Et j’ai envie de rire. Car tout ceci est si futile et ridicule face au geste posé. Tu ne peux plus te défendre tandis que moi, je chercher l’absolution.

Vingt et un an. Comme si l’âge pouvait justifier. Comme si cela pouvait excuser. Je voulais être avec toi. Mais j’avais peur. Cette peur qui n’a pas de nom, qui est invisible mais qui te prends aux tripes et te fait transpirer et cauchemarder la nuit. J’en étais malade. Malade de peur et de ce que l’avenir voulait dire. Malade de toi.

J’ai oublié de respirer, de rire et d’espérer. J’ai vu le noir de la nuit, celui qui ne laisse pas la lumières transparaître. Il n’y avait pas d’étoiles, ni de lune. Je voulais ton futur aussi rose que mes rêves. Je voulais ce que je n’avais pas. Alors j’ai fait un choix. Le plus insensé et égoïste qui soit.
Car il y en a toujours eu que pour moi.

J’ai dit des grandes phrases à ce moment-là, pour me sentir plus adulte. J’ai souri. J’ai caché. Je savais ce que je faisais. Je n’ai pas hésité. Jamais. Mais pourras-tu me croire quand je te dis que je t’aimais. Tellement. Plus que ma vie. Ma vie. Un mot jeté innocemment sur cette page. J’avais tous les droits. J’ai pris tous les droits. J’ai décidé. J’ai choisi. Aujourd’hui, j’ose écrire furieusement ces mots sur cette feuille de papier blanche. Mais ça ne change rien. Malgré tout ce que je dirai ou ne dirai pas, malgré tout ce que j’écrirai ou pas, tu sais ce que je veux et ce que je ne pourrai pas avoir de ta part : le pardon.

J’ai pris ta vie. Ce crime se paye aujourd’hui. Il n’y aura aucun pardon.

Mon corps est devenu ma prison. Mais sache, que je n’ai eu de cesse de penser à toi depuis tout ce temps. Je finis cette lettre en séchant mes larmes qui n’ont pas lieu, puisque, je suis la meurtrière. Tu étais innocente et fragile. Je n’ai pas su te protéger. J’étais une enfant dans un corps d’adulte qui un matin de mai, a crû avoir le pouvoir de Dieu.

Je marcherai sur ce chemin épineux chaque jours pour me rappeler, qu’on ne prend pas impunément une vie sans qu’un jour, cette vie nous sois prise à son tour.

Mais tu dois le savoir. Je t’aime. 

Le masque


Elle est assise au milieu de la pièce le regard vide. Sa jupe d'un jaune flamboyant est déchirée et sale. Il n'y a aucun bruit, hormis sa respiration sifflante. De longues traces de mascara noir sillonnent ses joues couleur cendre. Sa lèvre inférieure d'un rouge indécent est coupée et saigne légèrement. Elle ne bouge pas. Elle cligne à peine des yeux. Son poing, crispé sur un marqueur noir, est blanc à force de serrer. Autour d'elle, le chaos.

Tous les murs, blanc immaculé, sont à présent noircis de centaines et de milliers de citations. Elle les a toutes écrites l'une après l'autre. Certaines citations racontent sa vie, d'autres celle qu'elle rêve de vivre. Elle a habillé le vide de mots. Des mots qui veulent tout dire. Des mots qui refusent de passer ses lèvres scellées par le temps.

Elle est épuisée d'avoir écrit mais pas apaisée. Son coeur bat furieusement contre sa cage thoracique. Il aimerait tellement lui insuffler une brise d'espoir, un souffle d'énergie, mais il sent le poison de l'abdication couler lentement en lui. Elle a perdu du sang. Précieux fluide. Elle s'est coupé les bras. Dans sa rage, elle a troqué le feutre contre son sang donnant ainsi vie à ses mots. Quelqu'un les lira, un jour. Il ne comprendra pas le message.

Il ne verra que des mots enchevêtrés. Comme sa vie. Il dira que c'était inévitable. Il ne cherchera pas à voir au-delà de toutes ses lettres.
Elle n'est pas encore prête.

Alors, lentement, mécaniquement, elle se lève. Elle ramasse un pinceau et le trempe dans la peinture blanche. D'un pas morne, elle s'avance vers le mur et commence à le repeindre. Des heures passent où sans réfléchir, elle repeint sa chambre, replace les meubles et accroche le miroir qui était dans un coin. Puis, elle enlève ses vêtements déchirés, passe un jean et un pull à manches longues pour cacher ses blessures et se dirige vers le miroir. Elle se fixe sans se voir. Elle nettoie les traces de mascara, dissimule les rougeurs avec du fond de teint, peint ses lèvres meurtries, allonge ses cils d'un mascara haute de  gamme. Finalement, elle se parfume. Puis, elle entend la porte de la chambre s'ouvrir. Juste à temps, elle plaque un sourire lumineux sur son visage, et se retourne et enlace son petit ami. Et pendant qu'il la serre contre lui, il ne voit pas le vide abyssal derrière la façade de ses magnifiques yeux verts.

Il ne voit pas le masque.

Rupture

J't'ai regardé dans les yeux. Tu n'as pas cillé. Pas une seconde. J'ai vu la froideur. Celle qui existe dans les yeux de ceux qui sont déjà ailleurs. J'ai vu tes lèvres bouger. Je n'ai pas entendu les mots. Tu te tenait droit. Droit comme si c'était facile. Ton corps ne parlait pas. Il n'y avait rien. Que tes mots que je ne voulais pas comprendre. J'ai fait un mouvement inconscient vers toi, tu as reculer. Je me suis raidi. Tu n'étais plus là. Je ne voyais plus l'amour dans l'iris bleuté. Je ne sentais plus la chaleur. Tu étais déjà si loin et moi, j'ai vu le vide abyssal nous séparer peu à peu. J'ai eu peur. 

Tu as secouer la tête comme si tu étais désolé. Tu ne l'étais pas. Tu m'as fait un signe de la main et tu es parti. J'ai crié. Je crois. Mais aucun son n'est sorti de mes lèvres. J'ai alors dégluti. J'ai voulu avancer, mais tu avais déjà creuser un néant d'impossible entre nous. Je suis alors resté sur place anéantie. Mes épaules se sont affaissées. J'ai senti le poids de la solitude creuser son chemin jusqu'à mon coeur. La douleur s'est doucement répandue dans mes veines puis a explosé en millier de morceaux froids et métalliques. Des larmes ont alors coulées le long de mes joues. C'était fini.

Et cette fin, ce mot, sa signification me rendait malade. Elle mettait un terme à mes rêves et mes espoirs que j'avais forgés avec toi. Tu venais de tout saccager. Quelques minutes et tout n'avais plus d'importance. Cela avait semblé si facile pour toi. Je n'avais rien vu dans tes yeux. Aucun regret. En tournant le coin de la rue, tu as tourné la page de notre histoire. Comme si ce n'était qu'un roman. Et ta vie continuait. Mais la mienne ?

Alors je me suis demandés si cela valait la peine de te pleurer. On m'aurait dit non. Mais ils ne savent pas.  Ce n'était pas eux, c'était moi. Moi pris avec la douleur traîtresse. Le vide des nuits sans toi, la noirceur des journées sans ta voix et ton sourire. Et je devais recommencer sans cela. Sachant que rien n'avait eu d'importance. Que ça n'avait été qu'un moment parmi tant d'autre. Une fille comme les autres. 

Plus que tout, c'est cela qui me blessait à saigner. Que je sois comme les autres. Que je ne sois pas si spéciale, que je n’aie pas l'éclat. Toute ma vie, je l'ai cherché cet éclat. Celui qui me ferait briller, qui me rendrait unique et merveilleuse. Toute ma vie, je l'ai cherché l'amour qui me guérirait, qui me transporterait. J'ai rêvé démesurément ma vie et une fois de plus, je me retrouvais confronter au vide.

Alors, j'ai fait la seule chose possible. Car il ne me restait plus grand chose qu'un coeur en miette et un corps fatiguée qui n'aspirait qu'à dormir. 

Je me suis relevée, j'ai rejeté les épaules en arrière et j'ai fait un doigt d'honneur en direction du ciel.

Second souffle

L'alcool circule dans ses veines. Un doux poison qui inhibe toutes pensées et tout sentiment en elle. Elle marche, un sourire sur les lèvres. La musique hurle dans ses oreilles. Elle esquisse quelques mouvements de danse sans se préoccuper des regards des autres. L'alcool lui donne ce pouvoir. La nuit est noir, les trottoirs sont à peine illuminés par la lumière orange des lampadaires. Il est tard, il n'y a pratiquement personne dans les rues. Subitement, une envie sauvage s'empare d'elle. Une urgence. Elle quitte le trottoir pour aller marcher en plein milieu de la rue. Il n'y a pas de voiture, pas encore mais elle veut confirmer quelque chose. Alors au loin, les lumières blanches des fards d'une voiture l'éblouie. Son coeur se met à palpiter. L'adrénaline déferle dans ses veines et fait exploser son corps d'une douce euphorie. Le danger. La mort. Elle les sent en elle, comme un ver qui la rongerait. Elle aime le sentiment. Elle n'a pas peur. L'alcool l'empêche de comprendre totalement ce qui pourrait lui arriver si elle ne bouge pas suffisamment vite.

Elle observe la voiture foncer droit sur elle. C'est la mort qui va lui rentrer dedans. Un coup de poing en pleine figure. L'anéantissement d'une existence sans éclat. Elle se surprend à se demander si elle a envie de se pousser. Elle hésite. Elle se tien en équilibre sur la ligne jaune au milieu de la rue. L'adrénaline bourdonne à ses oreilles. Un choix qui peut sembler si simple, mais qui ne l'est pas finalement. Puis, à la dernière seconde, elle s'écarte de la trajectoire du bolide. Un coup de klaxon retentit quand la voiture passe près d'elle et la frôle. Sa robe se soulève sous la le vent et la poussière que l'auto laisse derrière elle. La jeune fille éclate de rire. L'espace d'une seconde éphémère, elle s'est sentie en vie. Un sentiment puissant et grisant qu'elle voudrait le ressentir à nouveau, là tout suite.

Elle court dans les rues déserte, laisse la musique la guider. La vie ce soir semble lui appartenir. Même si il y a deux minutes, elle a sentit la caresse de la mort sur sa joue, sur ses lèvres, elle n'y a pas succombé.  Elle a choisi. Et les couleurs de sont choix se réverbèrent sur l'asphalte et les lampadaires illuminant le ciel de scintillement aux reflets dorés.

Tout à coup, derrière elle des pas se font entendre. Ils se calque à son rythme. Elle est suivi. De nouveau, la proximité du danger lui donne des ailes. Elle court plus vite. C'est un jeu. Le jeu de la vie. Pour ressentir, elle doit agir. Elle le comprend en courant. Plus elle bouge, plus elle inhale de l'espoir et de l'assurance. Elle sait ce qu'elle veut. Elle refuse de laisser une seconde de plus de sa vie à l'inertie qui l'enveloppait depuis quelques temps. Elle réalise qu'elle a trop pleurée, qu'elle à laissé faire pendant trop longtemps et qu'elle a perdu le goût de se battre. Marionnette d'un destin fade, elle se complaisait dans son malheur. Elle refuse de s'agenouiller une fois de plus sous le poids du monde. Elle refuse d'abdiquer. Chaque seconde, où elle inspire l'air frais de la nuit, elle reprend des forces. Plus elle expire sa souffrance, son désarrois et sa solitude, plus elle gagne du terrain. Les pas menaçant s'efface peu à peu. 

Elle arrive finalement, essoufflée, au pied de l'église au coin de sa rue.  Les marches sont illuminés par la lumière du clocher. Elle s'assoie sur les plus hautes marches, son coeur cognant contre sa cage thoracique. Elle a le souffle court. Ses long cheveux blond sont en bataille. Sa robe blanche lui colle à la peau. Elle regarde la rue qui s'ouvre devant elle. Elle est seule. Il n'y a personne. La mort a échouée. Et même si les cicatrices ne se sont pas effacées, même si, maintenant que l'adrénaline quitte ses veines ainsi que l'alcool, elle ressent un peu de détresse, elle ne franchira plus jamais cette mince ligne qui traverse le néant. Elle bâtira des oasis dans le désert de sa vie. Elle élèvera des murs de soies et de fleurs. Mais plus jamais des barrières infranchissables.

Elle est jeune. Elle utilisera cette force pour semer des fleurs de vies autour d'elle. Elle échouera certainement encore quelques fois, et probablement qu'elle pleurera parfois la nuit le vide d'un amour qu'elle chérira toute sa vie. Mais elle ne succombera plus aux murmures des anges noires autours d'elle. Elle ouvrira ses bras au ciel, au soleil et à la lumière du monde. Elle sublimera la noirceur en elle, l'exposera et l'empêchera à jamais de la contrôler.  Elle créera des oiseaux aux ribambelles de couleurs magique qui scintilleront quand elle se sentira perdue. 

Elle lève les yeux vers les étoiles qui tapissent le firmament. Elle esquisse un sourire soulagé. La lune lui rend son sourire. Ce soir, une jeune fille a tenu la main de la mort, à marcher vers l'éternité de souffrance qu'elle se croyait vouée à vivre et à choisi les rêves et la lumière. Ce soir, la glorification de la vie a pris tout son sens.

Des lys

Des lys blanc sur les berges de son coeur meurtrie,
Des oiseaux aux couleurs du paradis, pour ses yeux noyés de larmes,
Des sourires lumineux pour l'absence de la saveur d'antan
Des beautés sauvage, dans les rivières miroitantes des soirées uniques.

Un rire fragile,
Une brise caressante,
Une chaleur réconfortante,
Un espoir minuscule d'un coeur rapiécé

Des bulles de savon remplies de confettis,
Des joies dans les riens du  présent,
Des souvenirs enfouis dans le sable du temps,
Des murmures racontant l'histoire d'une vie

Des lys dorés au vent de l'été
Dans une plaine parsemé de rêves et d'éternité

L'arlequin écarlate



Il lève son couteau et va l’abattre sur le corps inoffensif étendu sur le lit. Elle semble dormir paisiblement. Un sourire flotte sur ses lèvres. Il ne ressent rien de particulier. Un peu de frénésie peut-être. Il est excité aussi car il n’aurait jamais crû que se serait aussi facile. Il avait trouvé étrange la demande de sa cliente mais après tout, peu importe les lubies fantasques des gens, s’ils payaient bien, il accepterait de se plier au jeu. Alors sans rouspéter, il avait enfilé le costume d’arlequin rouge et noir et s’était présenté au 11600 boul. des Cartes. La clé était bel et bien sous le paillasson comme elle le lui avait assurée. Il avait ouvert la porte, qui avait grincée sous ses gonds, et il avait pénétré dans la maison de style victorien. Il était monté à l’étage sur le bout de ses chaussures retroussées et le voilà qu’il s’était retrouvé dans la magnifique chambre au lit à baldaquin et aux rideaux tirés d’un rouge sombre. D’un rouge sang.

Il inspira. Une fois, deux fois, trois fois, puis …

_ Échec et mat !

L’homme sursauta et lâcha son arme qui tomba dans un bruit sourd sur la moquette. Son regard éberlué se posa sur deux inconnus costumés de la même manière que lui, qui jouaient aux échecs sur une table carrée près du feu.

_ Elle est déjà morte ! Lui lança d’une voix égale le plus grand des deux !

Le papillon

Voltige haut dans le ciel, papillon. Laisses-toi emporter par le vent. Déploie tes ailes couleur sublime et vogue doucement sur les notes de la liberté. Oublie la terre. Oublie les promesses qui ne sont que des blessures à vif. Ne regarde pas derrière toi. Soit fort.

Ne pleure plus pour ce qui n'a jamais valu la peine. Sèche tes larmes de solitude. Regarde l'infini autour de toi. L'immensité céleste, les nuages floconneux, les rayons chaud du soleil. Admire le ciel, libre de toutes attaches. Berces-toi de la mélodie angélique de l'indépendance. Soit plus que ta nature. Emplis-toi d'absolu et de lumière. 

Forge ton coeur dans la force des éléments. Prend ton envole et ne reviens pas. Efface d'un battement d'aile toute les douleurs passées. Tu n'es plus à eux. Tu ne te défini plus par leurs paroles et leurs actes. Tu es magnificences. Tu es grandiose dans ce ciel immense à voler vers de nouveaux horizons. Une minuscule taches de couleur brillant de milles feux. L'espoir.

Ferme les yeux. N'ait pas peur. La cruauté, le désespoir et la violence ne t'atteindront plus jamais. De minuscule chenille insignifiante, tu es devenu magnifique papillon. Fragile mais fort à la fois. Déterminer à vivre malgré le danger. Conquérant. 

Fier tu parcours ton chemin en laissant derrière toi l'enveloppe de tristesse qui t'enveloppait. Tu t'es libéré de tes chaînes. Tu as surmonté les pertes et le rejet. Tu es devenu plus fort que ce qu'ils pouvaient tous penser. 

Tu voles dans le ciel bleu, tu les nargues du haut des étoiles. Tu connais enfin la douce euphorie et l'ivresse de l'immunité.

Tu es papillon mais dans les yeux ternes des humains, tu es le plus beau des rêves qu'ils est pus contempler. Et sur leur lèvres ils se surprirent à te nommer : Éternité.

Vanité

_ Le problème c'est que... je suis écoeurée.
 
Il haussa les épaules un peu indifférent.
 
_ T'es une fille, à quoi tu t'attends exactement ?
 
Je me détourne pour regarder dehors. La neige tombe doucement en ce 21 décembre. Les lumières de Noël sont allumées, milliers de couleurs joyeuses dans ce décor féérique, mais mon coeur est froid.
 
_ J'ai toujours voulu être jolie.
 
Il ricanna. Je posai ma main sur le carreau de la fenêtre et sa froideur me saisi. Je soupire.
 
_ Mais je n'ai que ça et j'ai cru que c'était suffisant. Que c'était mieux que la beauté. J'avais tord !!
 
_ Come on Leslie ! C'est quoi ton problème ? Arrête de pleurnicher. Tu as un jolie petit cul. Des filles tuerais pour avoir le corps que tu as, pis toi tu chignes sur ton visage.
 
Je soupire doucement.
 
_ Tu ne me trouves pas belle n'est-ce pas ?
 
_ Si je dois dire oui pour que je ne me sois pas déplacé pour rien ce soir, alors oui tu es mignonne dans ton genre, mais Leslie, c'est certain que c'pas ton visage que j'ai vu en premier...
 
Je serre les dents et frappe la vitres de mes deux poings. L'un des carraux se cisaille et entaille ma peau. Du sang sombre serpente le long de mon bras. Je déglutis péniblement.
 
_ Je ne veux plus jouer. J'espèrais me convaincre que j'étais importante pour toi, que tu te souciais de moi mais tu ne veux que ça...
 
_ Leslie ma chérie, que veux-tu que je te dise ? Tu es bien roulée, tu devrais t'en contenter et arrêter de te chercher des démons. Les gars sont attirés par toi, il te siffle, te drague et te regarde. T'es vraiment sex !
 
_ Mais ils ne restent pas répliquais-je amèrement. Ils ne veulent pas me connaître. Il n'essaye même pas. Je les interesses que parce que je suis sexy...
 
Je me détourne pour lui cacher mes larmes. Je suis pathétique.
 
_ Leslie...
 
_ Va t'en !
 
_ Putain tu fais chier !
 
Il frappe le mur à quelques centimètre de mon visage mais je frémis à peine. Il sort en claquant la porte. Le vide qu'il laisse n'est pas aussi gros que celui dans mon coeur. Il y a déjà trop longtemps que je sais que je ne serai jamais plus qu'un corps  pour les hommes. Ils ne verront pas ma peur, mes yeux qui pétillent et tous ce que j'ai à offrir. Il ne verrront que ça. Le jolie petit cul. Ça commencé à 16 ans, sans mon consentement et aujourd'hui, ça se termine à mes 29 ans. Je prends le petit morceau de verre qui reflète les lumières multicolorent à l'extérieur. Je ne serai plus jamais qu'un corps !

- Fin -

L'église

L'église l’obsédait. Elle passait devant parfois d'un pas lent, parfois d'un pas rapide quand elle pensait, qu'elle était observée. Les jours où elle faisait fit des regards, elle osait grimper les marches de pierres cassées, signe de l'âge avancée du bâtiment, et s'approchait d'un pas lent des immenses portes de bois. Elle jetait parfois un regard à l'intérieur, admirant les majestueux lustres au plafond et les vitraux au couleurs éclatantes qui reflétaient, les beaux jours, tout un arc-en-ciel.  Elle ne rentrait jamais à l'intérieur. Elle avait peur.

L'église était plus qu'un symbole pour elle. Elle était l'image même de la force et de l'espoir. Car même après tant de décennie, elle était toujours debout. Même si les gens avaient moins la foie, même s'ils s'entretuaient, même s'ils blasphémaient, Elle restait fièrement sur ses fondations, portes ouvertes, prête à accueillir un fidèle égaré.

L'église ne jugeait pas. Du moins, elle voulait le croire de toutes ses forces. Elle avait besoin de s'en convaincre car elle avait un secret à confesser. Ce secret, tapis dans son cœur, la meurtrissait depuis toujours et elle avait, non, elle devait le confesser à l'église. C'était la seule solution. Sa vie n'avait jamais eu de saveur à cause de ce qu'elle cachait. Tous ses actes étaient dictés par cette information confidentielle. Depuis qu'elle avait 9 ans. Depuis qu'elle avait vu et depuis qu'elle était restée silencieuse, elle savait qu'un jour, il faudrait qu'elle parle.

Le silence pesant de son désarroi, mais aussi de sa faiblesse lui rongeait l'âme. Elle s'en était toujours voulue de n'avoir pas su comment agir. Elle aurait dû le savoir. Ses immenses yeux d'un turquoise éclatant auraient dû pouvoir analyser la situation et lui donner la réponse. Mais elle avait fermé les yeux. Elle avait failli.

Aujourd'hui, ses immenses yeux turquoise, ne sont plus éclatant de la jeunesse innocente. Ils brillent d'une lueur approchant le désespoir. Un désespoir plus grand que ses 23 ans et de son mètre 70. De toute sa jeune vie, jamais elle n'a réussi à se pardonner son inactivité ce jour fatidique. Expier sa faute ne sera pas suffisant, elle doit la payer. L'église est sa seule solution, sa seule amie et sa seule maîtresse.

Vêtue d'une longue jupe d'un lavande pâle et d'un chandail blanc, elle est à genou sur les marches les mains jointes. C'est la fin de l'après-midi d'une journée d'automne grisâtre. Les arbres sont dépouillés de leurs feuilles et le vent souffle impitoyablement une brise d'un froid sauvage. Elle ne porte ni manteau, ni bas. Elle est pied nu et elle grelotte sur les marches. Elle attend. Le ciel d'un gris menaçant gronde au-dessus de sa tête. Il n'y a personne à l'extérieure, mais elle serait là même s'il y avait eu des spectateurs. Elle ne se cachera plus.

Ses longs cheveux d'un blond sable s’enroulent autour de son cou et de son visage blanc. Elle est belle. Elle ne s'est jamais souciée de sa beauté. Elle n'a jamais vu les regards que les autres lui jetaient, parfois à la dérober, parfois sans vergogne. Elle était emmurée dans sa peine et sa solitude. Elle ne voyait rien, que son chagrin.

Et même si elle croyait voir tout ce qui se passait depuis ce jour fatidique, elle n'avait jamais aperçu non plus le jeune homme à l'entrée de l'église qui l'observait chaque fois qu'elle passait. Si elle l'avait vu, elle aurait été troublée par le sourire en coin qu'il esquissait chaque fois qu'elle passait devant l'église. Un sourire arrogant.

Et aujourd'hui, il était là, l'observant se prosterner sur les marches froide de l'église. Il se mordait la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire. Toute cette mascarade l'amusait. Il trouvait cela presque jouissif. Que croyait-elle faire ainsi voûtée sur les marches à grelotter comme une brindille d'herbe un soir de tempête. Ne pouvait-elle voir que cela ne servait à rien ? Sa culpabilité était-elle si grande qu'elle l'aveuglait au point de ne pas comprendre qu'aucune prière ne s'envolait vers cet improbable Dieu. Ignorait-elle qu'il était trop tard et ce depuis l'instant où elle avait fermé les yeux ou essayait-elle de racheter sa faute ? Peu importe en fait qu'elle que fût ses raisons, elle ne parviendrait pas à ses fins pour la seule et bonne raison qu'il était là.

Il avait toujours été là. Il était la projection de sa faiblesse et de sa culpabilité. Il existait car elle ne pouvait le faire disparaître. Et même si tous les anges des cieux se tenaient à ses côtés pour lui chuchoter des paroles rassurantes, elle n'entendait que ma voix. Elle voulait un miracle, mais elle refusait mon aide. Et pourtant, j'étais le seul à pouvoir l'aider. Prier ne pouvait qu'apaiser temporairement sa douleur. Il aurait fallu qu'elle puisse écouter. Qu'elle puisse voir ce qui s'était réellement passé ce jour là. Mais elle s'était enfermée dans sa culpabilité, lui avait donné toute sa vie et lui avait créer une image si monstrueuse que jamais elle ne pourrait l'oublier.

Elle ne voulait pas savoir que même si elle était de descendance angélique, elle avait le droit à l'erreur. Ses ailes étaient à présent maculées du sang qui avait éclaboussé son visage, ses mains et touts les murs autours quand d'un geste décidée, sa sœur aîné s'était enlevée la vie. Elle avait toujours crû qu'elle aurait dû pouvoir l'arrêter car elle était un ange. Elle avait les pouvoirs Célestes. Mais elle n'avait rien fait. La fillette de 9 ans était restée pétrifiée sur place, incapable d'agir ou de parler. Incapable d'avertir sa sœur qu'elle était là juste derrière elle. Et le coup avait retentit. Un paow si assourdissant que les murs avaient vibrer, que le corps avait été projeté vers l'arrière et que des morceaux de cervelles s'étaient retrouvées un peu partout dans la chambre refaisant ainsi la décoration. Tout ce qu'elle avait vu, c'était son impuissance à arrêter toute cette horreur. Elle n'avait pas vu les démons qui encerclait sa sœur et qui lui avait murmuré à l'oreille tout le désespoir du monde. Jamais une fillette même si elle était un ange, n'aurait pu les combattre. Alors elle avait fermée les yeux souhaitant ne plus jamais rien voir.

Il descendit lentement les marches de pierre jusqu'à elle. Il écarta une mèche de ses cheveux cendrés pour contempler la beauté qu'elle était. On l'avait créée pour aider l'humanité mais l'humanité l'avait abandonné aux mains du désespoir depuis longtemps réduisant ainsi tout effort de ce Dieu à néant. L'ange avait échoué. Elle n'avait pas su guérir de la blessure de l'échec. Elle avait reniée la lumière et à présent, perdu dans ce labyrinthe de noirceur, elle cherchait ce qu'elle ne pouvait trouver.

Il caressa doucement sa joue froide, presque glaciale. Elle sursauta à son contact, chercha des yeux d'où cette chaleur sur son visage pouvait provenir. Elle ne le voyait pas. Il sourit. Il ouvrit les bras et la serra contre lui. Une odeur de lavande se dégageait de sa peau. Elle était douce. Il l'aimait. Il aimait sa vulnérabilité et son regard agrandit d'effrois. Il aimait ses lèvres invitantes, l'éclat de ses iris turquoise qui peu à peu se refroidissaient sous la menace impitoyable du temps. À présent il neigeait, mais elle ne bougeait pas. Personne ne venait à elle. Ils ne la voyaient pas car il la dissimulait aux regards des humains. Quelques larmes finirent par glisser sur ses joues livides. Elle avait compris. Dieu ne viendrait pas lui ouvrir ses bras. Elle était seule. Seule avec son désespoir qui lui broyait le cœur et l'âme.

Le ravin

Elle est au sommet d'un ravin. Équilibre précaire. Envie de tout. Envie de rien. Envie de magnificence.
 
Elle est au sommet du ravin, contemplant l'immensité du vide sans apercevoir la couleur de celui-ci.
 
Le vent balaye ses cheveux et les larmes dans ses yeux d'un gris lumineux. La vie y brillent, mais y est ombrée par le spectre de la mort.
 
Tous autour d'elle, se rassemblent, se relèvent et s'unissent. Elle est la seule qui n'arrive pas à le faire. Elle ne trouve plus les réponses. Elle n'a plus la flamme.
 
Les bras en croix, le cœur battant, le froid l'enveloppant, elle voudrait se laisser tomber. Mais pour ce faire, il faudrait qu'elle fasse confiance au vide. Qu'elle accepte qu'il la rattrape. Qu'il l'engloutisse. Mais elle ne fait pas confiance. Ont lui a volé depuis longtemps ce précieux sentiment.
 
Elle inspire. Tout devient noir. L'espoir n'était qu'une fantaisie qu'elle s'est fait croire. Sa vie qu'un cauchemar. Elle espérais se réveiller un matin et se dire que c'était fini. Que plus jamais elle côtoierait l'image dans le miroir.  
 
Elle a tout appris. Elle a tout vu. Il ne lui reste que des miettes de ses rêves qui ont été pulvérisés les un après les autres. Meurtrie par la parole, meurtrie par les mains, meurtrie par la chair, meurtrie par la stupidité et l'ignorance.
 
Dans son âme elle connaît toutes les réponses. Elle n'a pas besoin qu'on lui explique. Elle n'a pas besoin qu'on essaye. Les blessures à vives, cicatrices brûlantes de ses échecs, sont la preuve qu'elle a échouée. Elle n'appartient pas à ce monde. Elle n'est pas comme eux. Elle ne mérite pas.
 
Toutes ses années, ils ont voulu la briser. Comme une enfant, elle s'est racontée une histoire. Celle qu'un jour, elle pourrait être la femme que sa mère disait qu'elle serait. Que ce n'était pas important. Que chaque paroles, chaque marques, chaque gestes déplacés, elle les relèguerait au plus profond d'elle et les oublieraient. Elle serait plus forte que leur haine. Plus forte que leur faiblesses.
 
Et pourtant, aujourd'hui, au bord du ravin, se tenant en équilibre entre la fin tant désirée, elle hésite. Elle rêve de mort violente, de mort grandiose. Une fin à la hauteur de la vie qu'elle n'a pas. Un souvenir marquant qui laissera sa marque. Une trace d'un rouge plus rouge que le sang.
 
On lui a inscrit au fer rouge sur la peau : Rejet. On lui a dessinée sa vie. Le chemin, ils lui ont tracés à coup de ricanement, d'attouchement et de désir sombre. Ils l'ont rendu aveugle à l'amour sincère et à la vérité.
 
Aujourd'hui elle suit  les traces de la vie, aveugle de sa beauté. Craintive de se faire rejeter encore elle ne voie plus les couleur qui pare ceux qui sont bon. Elle n'a plus confiance depuis longtemps. Elle ne croit pas leur paroles. Elle entend autre chose.
 
Un démon s'est logé dans son cœur et son âme. Il lui susurre depuis des années une vérité qu'elle ne peut faire autrement de croire. Car les gestes démontrent la vérité. La vérité qu'elle n'est rien dans  ce monde. Un grain de sable. Une poussière. Une insignifiance face à l'immensité.
 
Elle s'est battu tout ce temps par défi de démontrer qu'ils avaient tord. Mais elle n'y croit plus. N'y a jamais réellement cru.
 
Le vent l'enveloppe, lui glace le sang. La vie est un don. La mort une solution. Mais l'ironie, c'est qu'elle pourra toujours aller jusqu'au bout du chemin qui oscille entre le don et la solution. Elle ne pourra jamais embrasser la solution. Malgré son désir ardent de le faire, malgré l'inconnu et la noirceur, elle sait qu'elle le pourrait. Elle sait qu'elle en a la force et la volonté.
 
 Mais dans tout ce qu'on lui a apprit, il y a une chose importante qu'on lui a dite : La mort sera la fin. Et elle ne veut pas la fin. Elle souhaite seulement un recommencement...

 - Fin -