mercredi 29 juin 2016

Une rose pour ta vie

Le thème : "Nous marchons anesthésiés entre les risques que nous créons. De temps en temps, un accident nous secoue de notre torpeur, et nous jetons un coup d'oeil dans le précipice."
 
***
Il déchiqueta la photo en dizaine de petits morceaux qui formèrent un tas de blanc et de noir désordonné à ses pieds. Puis, il s’en prit à la rose qu’elle avait gardée pendant toutes ces années. Il serra les dents à s’en faire mal à la mâchoire. Dans sa tête, un brouillard épais bouffait toutes ses pensées, toute sa raison. Son champ de vision s’était restreint à l’escalier et la porte tout au fond du couloir. Il piétina, sans même s’en rendre compte, les lambeaux d’un temps révolu et grimpa les marches d’un pas mécanique. À travers le bourdonnement incessant de ses oreilles, il crut distinguer des mots :

-Chienne.
-Plaisir avec ton meilleur ami.
-Dans TA chambre.


Il écuma de rage et s’élança vers la porte de la chambre à coucher. Il essaya de l’ouvrir, mais elle était verrouillée. Il tambourina de toutes ses forces.

-Adeline, je sais que tu es là, sors immédiatement de cette chambre.

Sa voix lui semblait désincarnée, atone. Il suait à grosses gouttes à s’acharner sur la poignée qui refusait de céder. Il émit un rire qui sonna lugubre à ses propres oreilles. Dans sa tête, les mots tournaient à lui donner le vertige : chienne, plaisir, amour, baiser, dans ta chambre. C’était une comptine qui le rendait fou.

-Adeline ! hurla-t-il.

-Papa ?

Une petite voix lui fit tourner la tête vers la droite. Celle qui l’avait prononcée, n’avait pas l’âge de l’intonation enfantine et il mit quelques secondes à comprendre qui elle était.

-Retourne dans ta chambre chérie, c’est une histoire entre ta mère et moi.
Elle le fixa, incertaine. Son corps longiligne, à peine formé, tel un bouton de rose qui attend le soleil pour s’épanouir, tremblait. Cela l’agaça suprêmement, sans qu’il puisse justifier cet accès d’exaspération.

-Immédiatement, gronda-t-il.

Des larmes se formèrent au coin de ses paupières et sa lèvre inférieure tremblota ce qui acheva de l’excéder. Il avança d’un pas menaçant.

-Tu ne vas pas chialer, si ? Tu as quatorze ans, tu n’es plus une enfant !

-Tu me fais peur, papa. Arrête.

Elle recula et voulut s’enfuir, mais il l’attrapa par le poignet et elle se mit à hurler. Les cris perçants se frayèrent un chemin vers sa tête et firent exploser une rage froide en lui. Son monde se réduisit en un champ de vision rouge.

-Tais-toi, connasse !

Il la plaqua au mur, la main sur sa gorge. Elle émit un son entre le hoquet et une plainte. De grosses larmes coulaient sur ses joues livides. Elle se débattait vainement, n’ayant pas la force contre ce père d’un mètre quatre-vingts et de ces, 72 kilos de muscles. Elle essaya de le griffer, mais de son autre main, il plaqua ses poignets sur contre? le mur.

-Il est peut-être temps de démontrer un peu de soumission, ma fille. Tu as trop longtemps fait ta petite princesse.

Il vit qu’elle commençait à suffoquer, et cela, étrangement, lui procura un plaisir morbide. Jamais, depuis qu’il avait appris que sa femme le trompait, il ne s’était senti aussi fort qu’en ce moment. Il n’était plus le con, qui continuait à dorloter une femme qui s’offrait à un autre. Il n’était plus le mari cocu. Sur les traits fins et délicats de sa fille, qui lentement, prenaient une teinte cireuse, se superposa le visage de son ex meilleur ami. Une vague hargneuse le submergea, inhalent toute pensée rationnelle en lui. Un seul désir subsistait, enlever le petit sourire en coin de cet homme qu’il avait traité comme son frère. Il sortit de sa poche un long couteau de cuisine au manche noir. Le sang bourdonnait à ses oreilles. Il n’était plus là, il était ailleurs, dans un monde où il pouvait régler ce différent entre hommes.

-J’vais te buter ta sale petite face de mec fier, tu vas voir !

Il leva son bras et un éclat du soleil couchant se réverbéra sur la lame, incendiant le couloir. Il fut quelques secondes aveuglé et entendit un bruit tout près de lui. Il tourna la tête et aperçut sa femme qui semblait l’invectiver, mais il n’entendait strictement rien de ce qui sortait de sa bouche. Elle s’accrocha à lui, lui tapant dessus comme une furie. Croyant qu’elle essayait de protéger son amant, il fulmina. Il donna un coup de couteau vers elle, pour la faire lâcher prise. Il sentit, un peu à retardement lui sembla-t-il, que le couteau glissait aisément. Un bruit sourd, comme un gargouillis, s’éleva dans ce début de soirée. L’adrénaline coula dans ses veines. Galvanisé par la réussite de son coup et par le fait qu’il était libre, il se retourna vers son ami et planta son arme meurtrière dans sa poitrine. Du sang jaillit de la plaie, lui éclaboussant le visage et les mains. Pris de frénésie, il retira le couteau et le replanta une nouvelle fois, encore et encore, jusqu’à ce qu’il sente, sous sa poigne, le corps devenir mou. Il relâcha alors sa victime qui glissa doucement le long du mur, le visage contre sa poitrine en charpie, les cheveux d’un roux profond devant ses yeux. De longs cheveux roux.

Il relâcha l’arme qui tomba dans un bruit métallique. Il voulut bouger, mais se heurta à un autre corps à ses pieds. Sa vision se réajusta pour contempler sa femme, étendue sans vie, une mare de sang sous elle. Un haut-le-cœur le secoua et il recula en secouant la tête, le corps tremblant comme une feuille. Ne regardant pas où il mettait les pieds, il perdit l’équilibre et chuta dans les escaliers. Son corps se disloqua sur les marches qu’il avait construit lui-même, pour celle qu’il aimait tant. Une lumière éclatante, presque vibrante, le percuta et se logea dans ses yeux. Il inspira, puis, un énorme choc le fit tousser. Un tonnerre de klaxon se fit entendre. Il secoua la tête, désorienté.

-Monsieur ?

Il se sentit faiblir, mais une poigne ferme le soutint sur ses deux jambes.

-Monsieur, est-ce que vous allez bien ?

La voix était douce, presque chantante, et inquiète.

Il se redressa et contempla le visage qui le regardait. Un joli visage en forme de cœur, aux lèvres pleines et roses et aux yeux d’un gris perle. Des yeux qui le fixaient avec sollicitude.

-Allez-vous vous pousser du chemin, oui ou non ? Cria quelqu’un.

À cet instant, il réalisa qu’il était au beau milieu de la rue.

-Venez, vous serez en sécurité de l’autre côté, sur le trottoir.

Elle le guida calmement vers un banc où il put s’asseoir. Elle lui sourit gentiment et lui remit une rose.

-Vous l’aviez à la main, la rose je veux dire. C’est un miracle qu’elle n’ait pas été piétinée dans la cohue. Votre femme a beaucoup de chance que vous lui offriez des fleurs.

Elle se releva et leur regard se croisa.

-Vous allez pouvoir rentrer chez vous ou avez-vous besoin que je téléphone à quelqu’un ?

Elle était si jeune, si innocente, son corps ferme et souple, lui faisait tourner la tête. Cependant, un goût de bile le fit déglutir. Il se ressaisit et réussit à esquisser un sourire franc.

-Ça va aller, je vous remercie pour votre aide.

Il se releva et épousseta son costume.

-Soyez prudent !

Elle lui offrit un sourire lumineux et son cœur se serra légèrement. Une vague de nostalgie déferla en lui et le prit par surprise. Elle lui fit un au revoir de la main et s’éloigna silencieusement, engloutie par la foule.

-Au revoir, Adeline.

FIN.

De sang et de plume

« Ce n’est pas possible, je suis un corbeau ?! »

Il voulut bouger le bras gauche, mais à la place, il battit de l’aile. Déséquilibré par ce mouvement brusque, il tangua dangereusement vers l’asphalte. Paniqué, il secoua désespérément son bras droit. Le battement eut pour seul effet de le blesser davantage. Il y mettait trop d’effort. Il essaya de se calmer, mais la seule pensée qui ne cessait de hurler dans sa tête, était qu’il allait se fracasser comme un missile sur le trottoir. Effectivement, c’est ce qui se produisit, dans un grand fracas de gerbe de sang et de plumes noires. Il essaya hurler, mais seul un gargouillement pitoyable s’échappa de son bec. Je vais mourir, songe-t-il, avant de sombrer.
***
 
Je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant la chamade, ma chemise de nuit collant à ma peau moite de sueur. J’avais du mal à reprendre un rythme de respiration normale. Je n’arrivais qu’à haleter, tel un animal apeuré et c’est ce que j’étais, au fond. Ce cauchemar récurrent me laissait un goût de désespoir dans la bouche. Pourquoi étais-je un oiseau ? Celui-là, tout particulièrement et pourquoi, finissais-je toujours blessée et morte ? Je me signer et fit une prière rapide. Je n’arrivais pas à me calmer, même après m’être recueillis. Quelque chose clochait. Je le sentais.

Mes yeux parcoururent la pénombre à la recherche de la cause de mon malaise. Mais ce n’était pas ici que ça se passait. Tous mes meubles étaient à leurs places, ainsi que mes vêtements de la vieille. Je tendis l’oreille, inquiète. La maison était silencieuse, pourtant, j’entendais une rumeur, un peu comme un bourdonnement. Je me concentrai d’avantages et identifié le son plutôt comme une clameur. Plusieurs personnes étaient rassemblées à un même endroit et murmuraient. Ils étaient tout près, je le sentais. Mon cœur s’emballa. Je me levai lentement du lit et attrapé ma robe de chambre que j’enfilai. Maintenant tout à fait réveillée, je percevais mieux les sons. Ils devaient être une dizaine, massée dans la rue, juste à côté.

Je déglutis, l’angoisse, main glacée, étreignant ma poitrine. Lentement, d’une main tremblante, j’ouvris le rideau de soie. Au début, je ne compris pas ce qui je vis, puis, mon cerveau analysa la scène et me retransmit les images, si claires, que je crus être dans la rue avec eux. Je mis ma main devant ma bouche pour ne pas hurler. Devant moi, des centaines de corbeaux gisaient au sol, mort et ensanglantés, formant un mot que je n’arrivais pas à distinguer. Des larmes de terreur s’amassèrent au coin de mes paupières. Un malheur s’était produit. Je pris la croix entre mes doigts et répété, encore et encore :

-Dieu tout Puissant, protège-nous.

J’en étais à réitéré une énième fois cette supplique, quand tout à coup, je sentis qu’on m’observait. En bas, ils avaient tous levé les yeux vers moi. Un frisson glacial me parcourut l’échine et enveloppa mon corps de son étreinte marmoréenne. De la buée se forma à mes lèvres qui étaient devenues sèches et craquelées. J’ouvris la fenêtre d’un geste mécanique et tous, levèrent le doigt en me pointant. Ils avaient l’air catastrophé. Je clignai des yeux, pour ajuster ma vision et peu à peu, je distinguai ce que les oiseaux formaient comme mot.

-Non ! Hoquetais-je.

Je reculai précipitamment et me cognai contre mon lit. Complètement paniquée, je m’élançai dans la chambre d’à côté, le cœur au bord des lèvres. J’ouvris la porte, je m’en souviens pourtant, et je restai interdite devant le spectacle. La petite chambre jaune et violet avec son lit simple à baldaquin était vide, à l’exception d’un corbeau, mort, qui y gisait, profanateur. Prise d’un accès de rage folle, je m’emparai de l’oiseau défunt et couru vers ma fenêtre, où personne n’avait bougé, comme figé dans le temps, attendant la suite de l’histoire. Je hurlai de désespoir et balançai l’oiseau sur les autres, voulant effacer le mot funeste qu’ils avaient formé. Celui-ci, s’écrasa dans un poc sourd sur l’asphalte sans oblitérer une seconde les lettres. Je tombai à genou, le corps secoué de spasme, sans pour autant sentir couler les larmes qui brûlaient mes paupières closes où était imprégné à jamais son prénom écrit de sang et de plumes :

Lylie.

Fin.


jeudi 16 juin 2016

De l'autre côté de mon coeur






Il y a trois nuits, j’ai vu l’ombre de ton âme s’éteindre. Je voulais te dire, tu sais…, mais il est trop tard. J’ai couru pour oublier, pour mourir.

Comme toi.

Je pensais que ça ne changerait rien, que tu deviendrais un souvenir. Tu t’es plutôt transformé en cauchemar. Toutes les nuits, je me réveille en sueur, le cœur palpitant. Je te revois, silhouette désarticulée, pantin de bois au bout de la corde et je me dis : tu as bien choisi ta mort, salaud. À présent, je ne peux plus dormir. Tes yeux ne cessent de me fixer. Deux billes vides. Le néant.

Mais qu’est-ce qui m’arrive ?

Toi et moi. Toi. Moi. Seul. Et je pleure, parce que je sais. Cet abysse que nous avons creusé de nos quatre mains. Les rêves et les rires qui s’envolaient à chaque pelletée. Oui, je sais que j’ai rainuré le trou de cet arbre qui a jailli dans ta poitrine et auquel tu as accroché la corde de notre échec. Tu disais pour toujours et je te répliquais de ne pas formuler des promesses construites sur les ailes des papillons.

Si fragile, si facile à briser.

Trois jours que tu es déjà loin, mais il y a des mois, déjà, que tu avais commencé à sillonner cette route sombre et sinueuse. Pourtant, je ne l’avais pas remarqué. Ou, je n’ai pas fait attention. Je ne voulais pas comprendre, je voulais encore croire que les étoiles d’hier étaient l’espoir de demain. J’avais tort. Comment tout ce mépris et ce vide entre nous auraient pu se guérir ? Je t’ai aidé à acheter la corde et les piquets. Nous devions aller camper. J’ai cru ce mensonge parce que ça m’arrangeait. Je déglutis.

J’enserre les draps de mon lit à m’en blanchir les jointures.

Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’elle est ce poison qui bouillonne dans mon sang, me donne la nausée, mais en même temps, une exaltation sournoise ? Tu étais devenu un inconnu, je ne me sentais plus amoureuse et je te détestais de m’avoir fait croire des promesses dérisoires. Comme si nous allions toute la vie boire du thé, rire, danser et faire des balades sur la plage. Qu’elle ironie de ma part, d’avoir pu imaginer que tout ça, tous tes beaux mensonges étaient mon conte de fées ?

La vérité ?

C’est que je souhaitais ta mort et qu’en achetant la corde, j’ai fermé les yeux et j’ai rêvé que tu t’y balançais, tel un funambule sur son fil.

Voilà, ce qui m’arrive.

Fin.

mercredi 15 juin 2016

Le baiser de la magicienne

Thème : Ciel rouge le matin, avertit le marin
 
 ***
 
-Regarde le ciel, il se teint de vermeil. Il faut avertir les marins !

J’ai levé les yeux, malgré que je l’aie déjà aperçu, du coin de l’œil, un peu plus tôt, pendant que je surveillais la proue. Il fallait bien que je confirme ses dires, si je voulais prendre une décision. Cependant, en apercevant le rouge profond, presque bouillonnant, j’ai eu un hoquet de consternation. Certes, c’était magnifique ces lignes rubis striées d’or dû au lever de soleil imminent, mais ce que cachaient les causes de ce phénomène n’augurait rien de bon. Il fallait faire demi-tour immédiatement.

-Nous sommes damnés, n’est-ce pas ?

La voix de mon second me fit sursauter. Je l’ai fusillé du regard.

-Ne t’avise pas de répéter cela à quiconque. Tu vas foutre la trouille aux marins et ils ne pourront plus fonctionner. J’ai besoin qu’ils soient alertes pour nous sortir d’ici.

Il voulut répliquer, mais d’un geste de la main, je l’ai congédié. J’avais besoin de toute ma concentration pour nous naviguer hors de la zone maudite. Je ne comprenais pas pourquoi ce mauvais sort s’était abattu sur nous, si peu de temps après notre départ. Mes tripes se tordirent dans mon ventre. L’angoisse a fait son chemin le long de ma colonne vertébrale. J’ai serré la mâchoire à m’en faire mal et j’ai donné un coup de barre pour diriger le navire vers l’ouest, vers notre sécurité.

-Izabelle…

Mon cœur s’est serré douloureusement à la pensée de ma fiancée qui devait très certainement m’attendre sur les berges de notre île. Je lui avais promis mon retour, je ne pouvais pas me dispenser de cet engagement. J’ai étreint de toutes mes forces la barre à me blanchir les jointures et j’ai fait cap vers un ciel plus clément, un ciel bleu.

-Monstres à tribord !

La voix affolée d’un matelot me tira de ma concentration. Nous étions presque hors de danger, je ne devais pas céder à la panique. Mon second pouvait s’en occuper. Cependant que je continuais sans réagir, celui-ci a surgi à mes côtés le teint exsangue.

-On est encerclé.

J’allais lui répliquer quelque chose, quand j’ai aperçu des dizaines de sirènes flottant dans l’eau tumultueuse.

-Donnez-nous la femme et nous sombrerons à jamais dans l’oubli, recolorant le ciel de ses couleurs d’espoirs.

-Il n’y a aucune femme à bord, à hurlé mon second. Vous faites erreurs.

L’une des sirènes s’avança dangereusement. Elle était surement le chef. Elle possédait de grands yeux turquoise étoilés de vert jade. Ses lèvres vermillon s’étiraient dans un rictus sauvage. Sa longue chevelure dorée cascadait dans son dos. Sa poitrine nue laissait voir deux seins opalins et fermes. J’ai accusé le coup de sa beauté en titubant. Elle m’a suivi du regard et s’est esclaffée. Son rire m’a presque rendu fou. Je me suis avancé lentement vers elle, avec l’intention de discuter, mais dès que je fus près du bord, elle noua l’infini de ses yeux au mien et je me sentis basculer.

-Je sais, murmura-t-elle.

Je déglutis péniblement.

-Que vas-tu faire ? Susurra-t-elle.

Elle nagea pour être tout près du bateau. J’ai senti mon second s’approcher de moi. Sa tension était palpable. Le corps de la sirène ondulait avec provocation tandis que les autres, psalmodiaient un hymne aux intonations tragiques. Je vis du coin de l’œil, un matelot éclater en sanglots et éperdu, se jeter dans l’eau. Trois sirènes rousses se précipitèrent à sa rencontre et disparurent dans les profondeurs de l’océan noir avec le malheureux.

-Un par un, ils sauteront vers leur mort si vous ne nous rendez pas la femme nous prévint la diablesse.

-Mais puisque je vous dis que vous faites une grossière erreur, s’insurgea mon second qui étrangement, échappait à la chanson hypnotisant des sirènes.

-Vous croyiez ? Répondit doucement la chef.

Au même moment, un second matelot sauta par-dessus bord, cueilli par des bras glaciaux.

-Lex, fait quelque chose, parlemente avec elle, dit-lui, qu’il n’y a pas femme sur ce navire.

La sirène me fixa, le regard teinté d’amusement.

-Un sacrifice, pourrait me satisfaire me dit-elle.

Mon second toussota scandalisé. Je n’ai pas pipé mot. Que pouvais-je faire ? J’étais le capitaine, il me fallait prendre une décision en faveur de sauver mon équipage. Ils comptaient sur moi. J’étais le seul à pouvoir le faire.

-Je suis désolé Izabelle, murmurais-je faiblement, j’espère que tu sauras me pardonner.

Un cri désespéré accueilli mes mots. Un autre matelot venait de se jeter à l’eau. Je devais agir.

-Arrêter, ais-je crié, cessez ce chant mortel, il y aura un sacrifice.

-Lex ! S’est exclamé mon second.

La magicienne des eaux m’a regardé imperturbable. Le ciel était gorgé de sang et celui-ci, si je n’agissais pas vite, allait se déverser sur le bateau, l’amenant en enfer.

-Je m'excuse.

Je me suis tourné vers mon second le regard brouillé de larmes, mais aussi de détermination. Avant même qu’il puisse réagir, je l’ai poussé de toutes mes forces par-dessus bord. J’ai vu ses yeux s’agrandir d’horreur, quand il a percuté le ponton et basculé dans l’eau marmoréenne. La sirène aux yeux turquoise m’a sourit triomphante puis s’est jetés sur mon second. Elle a scellé ses lèvres aux siennes et a aspiré de toutes ses forces. Je l’ai vu se désintégrer sous l’effet du sort. Quand elle eu terminé, elle la jeté à ses sœurs qui se sont empressé de le prendre et de disparaître sous les eaux agités.

-Ton secret est le mien à présent. Tel que promis, vous êtes libre, mais sache que si tu reviens naviguer par ici, je ne te laisserai pas une seconde chance.

Je déglutis péniblement.

Elle inclina la tête de côté et me toisa.

-C’est du gâchis de…

-Aller vous en m’écriais-je, horrifié qu’elle ait su voir au-delà de mon masque. Vous avez promis…
Elle hausse les épaules, presque indifférentes.

-Soit, mais si tu changes d’avis, un jour, tu sauras trouver ton chemin jusqu’à moi. Tu n’auras qu’à murmurer mon nom, Elvyna.

-Partez ! Hurlais-je.

Elle étira ses lèvres grossières dans un rictus de fauve et sautant hors de l’eau. Je vis sa longue queue faite d’écailles incandescentes et mon souffle se bloqua dans ma gorge. Elle déposa ses lèvres à l’orée de ma clavicule droite. La brûlure fut terrible.

-Adieu.

Elle replongea dans la mer devenu calme.

J’abaissé mon regard sur ma peau pour y voir, épouvanté, mon prénom gravé en lettre d’ardoise brûlante.

LEXA.

FIN.