mercredi 29 juin 2016

De sang et de plume

« Ce n’est pas possible, je suis un corbeau ?! »

Il voulut bouger le bras gauche, mais à la place, il battit de l’aile. Déséquilibré par ce mouvement brusque, il tangua dangereusement vers l’asphalte. Paniqué, il secoua désespérément son bras droit. Le battement eut pour seul effet de le blesser davantage. Il y mettait trop d’effort. Il essaya de se calmer, mais la seule pensée qui ne cessait de hurler dans sa tête, était qu’il allait se fracasser comme un missile sur le trottoir. Effectivement, c’est ce qui se produisit, dans un grand fracas de gerbe de sang et de plumes noires. Il essaya hurler, mais seul un gargouillement pitoyable s’échappa de son bec. Je vais mourir, songe-t-il, avant de sombrer.
***
 
Je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant la chamade, ma chemise de nuit collant à ma peau moite de sueur. J’avais du mal à reprendre un rythme de respiration normale. Je n’arrivais qu’à haleter, tel un animal apeuré et c’est ce que j’étais, au fond. Ce cauchemar récurrent me laissait un goût de désespoir dans la bouche. Pourquoi étais-je un oiseau ? Celui-là, tout particulièrement et pourquoi, finissais-je toujours blessée et morte ? Je me signer et fit une prière rapide. Je n’arrivais pas à me calmer, même après m’être recueillis. Quelque chose clochait. Je le sentais.

Mes yeux parcoururent la pénombre à la recherche de la cause de mon malaise. Mais ce n’était pas ici que ça se passait. Tous mes meubles étaient à leurs places, ainsi que mes vêtements de la vieille. Je tendis l’oreille, inquiète. La maison était silencieuse, pourtant, j’entendais une rumeur, un peu comme un bourdonnement. Je me concentrai d’avantages et identifié le son plutôt comme une clameur. Plusieurs personnes étaient rassemblées à un même endroit et murmuraient. Ils étaient tout près, je le sentais. Mon cœur s’emballa. Je me levai lentement du lit et attrapé ma robe de chambre que j’enfilai. Maintenant tout à fait réveillée, je percevais mieux les sons. Ils devaient être une dizaine, massée dans la rue, juste à côté.

Je déglutis, l’angoisse, main glacée, étreignant ma poitrine. Lentement, d’une main tremblante, j’ouvris le rideau de soie. Au début, je ne compris pas ce qui je vis, puis, mon cerveau analysa la scène et me retransmit les images, si claires, que je crus être dans la rue avec eux. Je mis ma main devant ma bouche pour ne pas hurler. Devant moi, des centaines de corbeaux gisaient au sol, mort et ensanglantés, formant un mot que je n’arrivais pas à distinguer. Des larmes de terreur s’amassèrent au coin de mes paupières. Un malheur s’était produit. Je pris la croix entre mes doigts et répété, encore et encore :

-Dieu tout Puissant, protège-nous.

J’en étais à réitéré une énième fois cette supplique, quand tout à coup, je sentis qu’on m’observait. En bas, ils avaient tous levé les yeux vers moi. Un frisson glacial me parcourut l’échine et enveloppa mon corps de son étreinte marmoréenne. De la buée se forma à mes lèvres qui étaient devenues sèches et craquelées. J’ouvris la fenêtre d’un geste mécanique et tous, levèrent le doigt en me pointant. Ils avaient l’air catastrophé. Je clignai des yeux, pour ajuster ma vision et peu à peu, je distinguai ce que les oiseaux formaient comme mot.

-Non ! Hoquetais-je.

Je reculai précipitamment et me cognai contre mon lit. Complètement paniquée, je m’élançai dans la chambre d’à côté, le cœur au bord des lèvres. J’ouvris la porte, je m’en souviens pourtant, et je restai interdite devant le spectacle. La petite chambre jaune et violet avec son lit simple à baldaquin était vide, à l’exception d’un corbeau, mort, qui y gisait, profanateur. Prise d’un accès de rage folle, je m’emparai de l’oiseau défunt et couru vers ma fenêtre, où personne n’avait bougé, comme figé dans le temps, attendant la suite de l’histoire. Je hurlai de désespoir et balançai l’oiseau sur les autres, voulant effacer le mot funeste qu’ils avaient formé. Celui-ci, s’écrasa dans un poc sourd sur l’asphalte sans oblitérer une seconde les lettres. Je tombai à genou, le corps secoué de spasme, sans pour autant sentir couler les larmes qui brûlaient mes paupières closes où était imprégné à jamais son prénom écrit de sang et de plumes :

Lylie.

Fin.


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