Je l’entendais, en sourdine, la
clameur des gens en adoration. La musique, forte, presque inécoutable. Elle
palpite en moi. Un deuxième cœur. Boum, boum, boum. Les accords, la voix, la
mélodie, cela m’arrache des larmes. Je les sens couler doucement sur mes joues
pâles. Leurs goûts salés me surprennent. On pourrait croire qu’une infime
partie de l’océan est venue mourir sur mes lèvres. Vêtue de noir, les cheveux
remontés en une coiffure complexe, les yeux ultras maquillés et les ongles
peints d’un rouge vif, je suis invisible dans cette foule en délire. Une âme
parmi tant d’autre à la différence près que je ne suis pas vivante. On pourrait
dire que ma présence est ce lieu est risible. Un spectacle de métal. Je ne suis
pourtant pas à cet endroit pour inscrire une généralité de plus sur ma race. Je
suis ici parce que la musique me donne l’impression d’exister.
Il y a quelques temps déjà, la
noirceur de ma vie a commencée à peser sur mon existence. Dans mes meilleurs
moments, je me moque de moi-même et de l’ironie de la situation. Jamais je
n’aurais crû possible qu’on puisse être « dépressif ». Quoique je
n’ais jamais lu sur les us et coutume et les états d’âme des marcheurs de la
nuit avant que je naisse dans ce monde. Tout ce que je savais, c’était ce que
les humains et les films m’en avaient appris. Ce qui veut dire un beau gros
ramassis de n’importe quoi. Les croix et l’eau bénite à la limite pouvait
fonctionner, mais l’ail ? À part la mauvaise haleine, cette plante était aussi
inoffensive que le souffle du loup sur la maison de brique des trois petits
cochons. Mais voilà que je m’égare encore dans les méandres de mes pensées sans
queue ni tête. Il m’est de plus en plus difficile de dompter mon esprit pour ne
pas qu’il parte dans tous les sens. Même que parfois, j’oublie des évènements.
Ceci pourrait être attribuable à mon âge si seulement il était significatif.
Mais il ne l’est pas. Je suis jeune. Terriblement jeune. Une novice encore aux
yeux des autres. Je n’ai rien vu, rien vécu qu’ils répètent sans cesse depuis
des semaines. Depuis que ce mal subtile m’afflige. Tous ignorent d’où il peut
provenir. Personne n’en a jamais entendu parler et il n’y a rien à ce sujet
dans leurs livres. Concrètement, je suis la première qui ressens ces symptômes
aussi étrange que dérangeant. On pourrait croire aussi, à tord, que nous sommes
unis. Mais voilà, ce n’est pas la vérité. Au début, certain m’ont été
solidaire, plus par curiosité que par désir sincère de m’aider, mais après plus
de six mois, je suis réellement seule. Les curieux sont retournés à leur propre
vie. Les Anciens, sont les seuls à se préoccuper de ce mal sans nom parce
qu’ils ont peur. Et leur peur est communicative. Et d’anonyme je suis passé au
statu de star. On me craint. Surtout car ils ignorent si je suis contagieuse.
Alors on m’a rejeté de mon cercle le temps, dit-on, de trouver un remède. Mais
ce n’est pas la vérité, une fois de plus.
Les marcheurs de la nuit ont certaines
connaissances quand ils «naissent ». Cela leur est acquis et les
différencies les uns des autres. Les caractéristiques similaires se regroupent
pour former un cercle. Car plus nous sommes compatible entre nous, plus nous
avons de chance de vivre en harmonie. L’aspect dominant de mon cercle est la
clairvoyance entrelacé de l’élément de l’eau. Nous sommes peu par cercle.
Principalement car il est dans notre nature de vouloir dominer et il est
difficile d’accepter qu’un seul le fasse. L’harmonie reste toujours précaire
mais encore plus, si nous n’avons rien en commun.
Alors il est facile d’imaginer
que mon état troublant m’a illico rejeté en dehors du cercle des miens. Étrangement,
je n’en ai pas souffert comme certain aurait pu s’y attendre. En fait, j’en étais
heureuse. Le problème, c’est que je suis différente. Je l’ai toujours été. Je
le savais, mais j’ignorais quelle était cette différence jusqu’à ce que ce mal
étrange prenne possession de mon corps. Tous, sans exception, nous naissons
avec une caractéristique dominante mélangée à un élément. Ainsi, nous pouvons
le contrôler, le manipuler ou le modifier. Nous pouvons en faire ce que nous
voulons. Ce qui nous rend vraiment puissant dans plusieurs situations. Alors je
suis clairvoyante et je contrôle l’eau, ainsi que le feu, l’air et la terre. Je
ne possède pas un seul élément, je les possède tous, ce qui me rend intouchable
et encore plus immortel que l’immortalité que me confère mon statut de marcheuse
de la nuit.