samedi 26 avril 2014

Marcheur de la nuit - partie 1



Je l’entendais, en sourdine, la clameur des gens en adoration. La musique, forte, presque inécoutable. Elle palpite en moi. Un deuxième cœur. Boum, boum, boum. Les accords, la voix, la mélodie, cela m’arrache des larmes. Je les sens couler doucement sur mes joues pâles. Leurs goûts salés me surprennent. On pourrait croire qu’une infime partie de l’océan est venue mourir sur mes lèvres. Vêtue de noir, les cheveux remontés en une coiffure complexe, les yeux ultras maquillés et les ongles peints d’un rouge vif, je suis invisible dans cette foule en délire. Une âme parmi tant d’autre à la différence près que je ne suis pas vivante. On pourrait dire que ma présence est ce lieu est risible. Un spectacle de métal. Je ne suis pourtant pas à cet endroit pour inscrire une généralité de plus sur ma race. Je suis ici parce que la musique me donne l’impression d’exister.

Il y a quelques temps déjà, la noirceur de ma vie a commencée à peser sur mon existence. Dans mes meilleurs moments, je me moque de moi-même et de l’ironie de la situation. Jamais je n’aurais crû possible qu’on puisse être « dépressif ». Quoique je n’ais jamais lu sur les us et coutume et les états d’âme des marcheurs de la nuit avant que je naisse dans ce monde. Tout ce que je savais, c’était ce que les humains et les films m’en avaient appris. Ce qui veut dire un beau gros ramassis de n’importe quoi. Les croix et l’eau bénite à la limite pouvait fonctionner, mais l’ail ? À part la mauvaise haleine, cette plante était aussi inoffensive que le souffle du loup sur la maison de brique des trois petits cochons. Mais voilà que je m’égare encore dans les méandres de mes pensées sans queue ni tête. Il m’est de plus en plus difficile de dompter mon esprit pour ne pas qu’il parte dans tous les sens. Même que parfois, j’oublie des évènements. Ceci pourrait être attribuable à mon âge si seulement il était significatif. Mais il ne l’est pas. Je suis jeune. Terriblement jeune. Une novice encore aux yeux des autres. Je n’ai rien vu, rien vécu qu’ils répètent sans cesse depuis des semaines. Depuis que ce mal subtile m’afflige. Tous ignorent d’où il peut provenir. Personne n’en a jamais entendu parler et il n’y a rien à ce sujet dans leurs livres. Concrètement, je suis la première qui ressens ces symptômes aussi étrange que dérangeant. On pourrait croire aussi, à tord, que nous sommes unis. Mais voilà, ce n’est pas la vérité. Au début, certain m’ont été solidaire, plus par curiosité que par désir sincère de m’aider, mais après plus de six mois, je suis réellement seule. Les curieux sont retournés à leur propre vie. Les Anciens, sont les seuls à se préoccuper de ce mal sans nom parce qu’ils ont peur. Et leur peur est communicative. Et d’anonyme je suis passé au statu de star. On me craint. Surtout car ils ignorent si je suis contagieuse. Alors on m’a rejeté de mon cercle le temps, dit-on, de trouver un remède. Mais ce n’est pas la vérité, une fois de plus.


Les marcheurs de la nuit ont certaines connaissances quand ils «naissent ». Cela leur est acquis et les différencies les uns des autres. Les caractéristiques similaires se regroupent pour former un cercle. Car plus nous sommes compatible entre nous, plus nous avons de chance de vivre en harmonie. L’aspect dominant de mon cercle est la clairvoyance entrelacé de l’élément de l’eau. Nous sommes peu par cercle. Principalement car il est dans notre nature de vouloir dominer et il est difficile d’accepter qu’un seul le fasse. L’harmonie reste toujours précaire mais encore plus, si nous n’avons rien en commun. 


Alors il est facile d’imaginer que mon état troublant m’a illico rejeté en dehors du cercle des miens. Étrangement, je n’en ai pas souffert comme certain aurait pu s’y attendre. En fait, j’en étais heureuse. Le problème, c’est que je suis différente. Je l’ai toujours été. Je le savais, mais j’ignorais quelle était cette différence jusqu’à ce que ce mal étrange prenne possession de mon corps. Tous, sans exception, nous naissons avec une caractéristique dominante mélangée à un élément. Ainsi, nous pouvons le contrôler, le manipuler ou le modifier. Nous pouvons en faire ce que nous voulons. Ce qui nous rend vraiment puissant dans plusieurs situations. Alors je suis clairvoyante et je contrôle l’eau, ainsi que le feu, l’air et la terre. Je ne possède pas un seul élément, je les possède tous, ce qui me rend intouchable et encore plus immortel que l’immortalité que me confère mon statut de marcheuse de la nuit.