samedi 17 janvier 2015

Sans titre

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On lui avait offert à l'âge de six ans. Un magnifique guépard des neiges. Un animal très rare, très difficile à capturer. À cette époque, c'était un bébé, tout mignon. C'était un cadeau d'un Roi venu des contrées voisines. Une alliance que son père chérissait. Un cadeau, qu'on ne pouvait pas renier. Elle l'a détesté dès qu'elle l'a vu, a refusé de l'accepter. Son père, un sourire faux sur les lèvres s'est excusé auprès du Roi, des caprices de sa jeune fille. La future Reine.

-Vous savez comment sont les enfants, à cet âge, n'est-ce pas ? Elle n'a plus de mère. Je fais mon possible... Pardonnez sont impertinence, je vous prie.

Les deux rois se sont dirigés vers la salle de conférences en rigolant. Bien sûr qu'il comprenait, bien sûr qu'il excusait. Il avait lui aussi, une enfant de l'âge de la princesse. Il savait, qu'elle finirait par ne plus pouvoir se passer de l'animal. Il n'y avait aucune offense. La porte se referma sur les deux hommes et c'est ainsi, que Bo, rentra dans la vie de la jeune demoiselle.

Dix ans plus tard :

Elle se promenait le dos droit, les épaules rejetées en arrière et le regard fier. Sa longue chevelure couleur du safran, ondulait dans son dos. Tous, sur son passage majestueux, s'inclinaient. Elle portait une magnifique robe noire, dont le haut imitait le cuir, en signe de deuil de son père, le roi, décédé, il y avait de cela une semaine. Une longue maladie des poumons, avait fini par l'emporter. Élyana était triste, bien sûr, mais secrètement, elle jubilait. Elle allait enfin accéder au pouvoir suprême. Le trône. Elle en rêvait depuis des nuits, depuis toujours, il lui semblait. Quelle reine serait-elle, avec sa magnificence et son jeune guépard des neiges. Ils viendraient de très loin, pour lui prêter allégeance et voir, le fameux animal mythique. Celui qui aujourd'hui, n'existait plus dans aucune contré connue. Tout était prêt pour ce soir ; le couronnement. Elle était fébrile. Tout était parfait, jusqu'à la neige qui tombait en millier de flocons vaporeux. Elle devait aller chercher Bo, son fidèle compagnon. Le seul qu'elle n'ait jamais eu.

« Tapis, j'attends mon heure. Il y a tant d'années, que je souhaite enfin mettre un terme à ta misérable existence. Je t'épie, jour après jour, sans que jamais, tu n'es fait attention à moi. Tu me regardes sans me voir. Tu ne te méfies pas. Et pourtant... »

Elle lui passa sa laisse en chaîne autour du cou. Il se laissa faire sans rien dire. Depuis longtemps, elle l'avait adopté. Ils étaient devenus des amis. Inséparables. Elle avait voulu, au début, le relâcher dans la nature. Elle avait pesté, hurlé, menacé, mais son père avait refusé d'accéder à ce caprice de sa part. L'alliance entre les deux royaumes était importante, elle le comprendrait, un jour, très certainement. Elle avait compris. Elle regarda l'animal, nostalgique. Sa barbichette lui donnait l'air de tirer la langue. Il n'était qu'un gros nounours. Elle lui caressa la tête et il ronronna. Un gros chaton, rien de plus.

Quelque part dans le château, un pendule sonna quinze heures. On l'attendait dans la salle du trône. C'était enfin le moment qu'elle attendait. Elle allait recevoir la couronne et tous les pouvoirs qui venaient avec elle. Elle se releva et sortit de la chambre, Bo derrière elle, marchant d'un pas altier.

« Je n’ai pas peur de ce qui pourrait m’arriver. Je n’ai rien planifié. Mon seul et unique but, est de te tuer. Plus jamais, je ne m’abaisserai à ton entrée, plus jamais, je serai à ta merci, à tes fantaisies et tes lubies. Je suis plus que cela. Jamais plus, je te serai enchaîné. »

Elle sortit à l’extérieur, dans la blancheur du début de soirée. Tout était gris et blanc. Les flocons vinrent mourir dans sa chevelure de feux. Il fallait passer par la cour arrière, pour se rendre à la salle du trône. La vue était magnifique. Le château était bien situé, tout en haut de la montagne. Gamine, elle aimait venir sur le versant nord pour contempler l’infini et rêver. Parfois, elle se surprenait à pleurer, tant elle trouvait le néant, beau. Elle était sentimentale, pendant son jeune âge. Heureusement, elle avait appris à s’endurcir. L’œuvre de son père. Il allait lui manquer, c’est certain.

« Je suis juste derrière toi. Peux-tu me sentir ? Je vais mettre fin à ton insignifiante petite vie. J’aimerais que tu souffres, autant que j’ai souffert, sous ta pitoyable gouverne »

Elle est devant la porte. Enfin, ce pourquoi elle est née va se réaliser, se matérialiser. Elle inspire profondément. Son cœur cogne contre sa poitrine. Elle ne laissera rien paraitre de son trouble. Elle le cachera au fond d'elle, avec la fillette qu'elle était. Ni l'un, ni l'autre, n'ont de place en ce jour. Elle est grande, elle est divine. Elle ouvre la porte, tous d'un même mouvement, se retournent. Au même moment, une violente bourrasque de vent lui apporte un bruit métallique. Elle voit les visages des gens, qui auraient dû être radieux, se changer en des masques de surprises horrifiées. Elle entend le grondement dans son dos. Un bruit sourd, que jamais il n'a eu en sa présence. Elle n'a pas le temps d'esquisser un seul geste. Il lui saute dans le dos, la projette au sol et d'un coup de patte, loin de ceux affectueux, qu'il avait, quand ils étaient plus jeunes, lui lacère le cou, déchiquetant ainsi sa vie, éparpillant sur la neige immaculée, les lambeaux sanglants de ses rêves avortés.

« Adieu, belle amie. »