mercredi 4 février 2015

Flammes et Glaces

Thème : Flammes et Glaces

Ses lèvres sont bleuies de froid de mort. Au fond de ses prunelles aux couleurs verdoyantes, ondule une flamme noire. Son corps, rigide et nu, est partiellement recouvert de neige. Une fine couverture blanche et poudreuse qui lui sert de linceul. Aucune marque de violence, seulement des hématomes, gros comme des poings, sur son ventre, ses bras et ses cuisses. Sa longue chevelure rouge sang, comme celui qui coule de ses lèvres, est figée dans la glace. Ils sont affairés autour d'elle et pourtant, ils n'ont pas remarqué la vie dans ses yeux. Ce minuscule scintillement d'espoir qui hurle en silence. Il y a le grondement de la chute, tout près, qui couvre le faible gémissement qui sort de ses lèvres fendues, le froid polaire qui confond le mince souffle à de la buée et les certitudes, qui trompent la vie. Un amalgame de circonstances malheureuses qui de leurs notes funèbres, écrivent déjà l'épithète de son existence sur la pierre tombale. Depuis ce matin, qu'elle est là, agonisante, dans la clairière longeant le lac. Belle inconnue, oubliée du monde.

À l'intérieur de son corps, la flamme gronde, hurle, cogne contre la cage thoracique. Elle déploie des efforts surhumains pour faire reconnaître son existence. Elle essaye de cligner des yeux, pour attirer l'attention, pour leur montrer qu'il n'y a que son corps qui est froid, pas son âme, encore moins son cœur. Pourquoi ne vérifient-ils pas ? Pourquoi ne prennent-ils pas son pouls ? Qui sont ces gens qui tournoient autour d'elle, tel un balai maléfique ? Je suis vivante, gémit-elle, mais aucun son ne traverse ces lèvres frigides, elle ne peut que le penser. Alors, inexorablement, elle comprend que le combat est perdu d'avance, que si son corps refuse de coopérer, elle ne pourra pas leur dire, ne pourra pas leur faire comprendre, qu'elle n'est pas morte, même si telle en sont les apparences. Un chagrin plus grand que sa peur l'enveloppe et lui comprime la gorge. Elle entend près d'elle un chuchotement. Des mots, qui lui rappellent enfin, pourquoi elle est là. L'effroi s'insinue par les pores de sa peau, la glace, à l'intérieur cette fois. Tout près, elle finit enfin par l'apercevoir, une seringue à la main. Son amant éconduit. Il sourit, démesurément. Elle voit l'étincelle diabolique briller dans ses prunelles aussi noires que la nuit qui tombe doucement. Stéthoscope à la main, il se penche vers elle, écoute son cœur qui bat furieusement, qui mugit de vie et de chaleur. Qui le supplie, furieusement. Il prend alors un air tragique, copie parfaite de la désolation. Il se retourne vers les autres, laisse tomber le verdict.

Morte

Elle le regarde apporter un drap blanc. Vrille ses yeux effervescents aux siens, y met tout ce qui lui reste d'énergie, de force et de haine, pour ne pas qu'il oublie. Puis, le noir s'étend sur elle, tel la mort, qui pourtant, n'est pas encore là, qui ne viendra pas la chercher avant de longues heures, qui ne pourra jamais éteindre la lumière de ses yeux.
Dernier hommage à la vie qui lui fut prise à vingt et un an.