samedi 20 septembre 2014

Douze pas

Un pas, deux pas. Doucement, sans faire de bruit. Je peux y arriver. J'y arriverai. Un après l'autre, je me rapproche. La nuit m'enveloppe, je la porte tel un manteau précieux. Elle est mon coeur, mon âme. Je n'existe pas. Je ne suis ni réelle ni tangible. 

Trois pas. Un souffle. Rauque, rapide, paniqué. L'air électrique. La moiteur du milieu de l'été. Aucune brise pour alléger l'atmosphère lourde. Ma prédilection.

Quatre pas. L'essence de ton parfum enivrant. Entêtant. Mon obsession. Ma vérité. Si loin, mais en même temps, si près de moi. Te serrer tout contre moi mon fantasme, mon désir. 

Cinq pas. L’inéluctable qui se dessine dans le reflet des étoiles. Mon serment qui prend fin dans un flamboiement de sang. Mon rire, qui s'échappe malgré moi quand tu sens enfin ma présence. Un rire qui me surprend et qui sonne étonnamment mélodieux. Tes yeux. Vert aussi profond que la pierre précieuse. La peur qui encense ton corps. Ta bouche qui s’entrouvre pour crier.

Six pas. Mes bras qui t'enlace. Ton corps chaud dans ma poigne froide et dure. Tes lèvres couleur de la passion. Tes courbes sensuelles. Déesse de ma convoitise je te murmure des mots aux couleurs de l'arc-en-ciel. Insensible, tu essayes, inutilement, de t'enfuir. Petit oiseau précieux dans ma cage dorée.

Sept pas. Nous valsons tandis que je m'incline gracieusement vers mon festin. Ton cou. Ton sang bouillonnant. Ma vie. Ton existence défile devant mes yeux aveugle. Une belle vie, sans tragédie. Une vie heureuse, magnifique, sublime. Une vie précieuse et jeune. 24 ans. 

Huit pas. Orgasme fulgurant à la dernière goutte de ton sang chatoyant. Ton regard vitreux qui ne voit plus la lune d'un blanc immaculé. Inertie entre mes bras fort. Tes lèvres couleur cendres. Ton corps couvert de bleus. Beauté figée dans l'éternité. Bonheur envolé, volé à ma décharge. Je t'ai tout pris. 

Neuf pas. Je te serre contre moi. Embrasse ces lèvres qui ne riront plus. Ferme ses yeux qui ne brilleront plus, qui ne verront plus le soleil ni l'enfant de 8 ans. J'écarte mes bras, tu tombes dans un bruit sourd sur le chemin bordé de fleurs somptueuse. Un minuscule souffle de vie s'échappe de tes lèvres craquelées. Ton cœur bat lentement, très lentement. Je dégaine un couteau ancien. Arme fantasmatique et glorieuse. Je ne suis pas la créature gentille.

Dix pas. Je me penche au-dessus de toi. Ma longue chevelure d'un brun acajou se déleste de la broche qui les retiennes. Je veux plus. Tellement. Ton sang ne suffit pas à me rassasier. Je veux la douleur. L'horreur. Je veux la frayeur et l'intimité que la mort créer. Je veux sentir le désespoir filtrer à travers chaque pore de ta peau. Lent poison.

Onze pas. Je te balance mon pied dans les côtes. Un chuintement s'échappe de ta bouche. Je veux la violence. J’abats mon arme sur ta poitrine. L'arme se fraye un chemin en travers ta peau. Elle pulvérise ta cage thoracique. Ma puissance est sans limite. Je suis Dieu. La femme noire vient te chercher dans un sursaut sanglant. Du sans sur mes mains, sur mon visage, sur mes lèvres que je pourlèche. Le sang de ton cœur qui a explosé sous mon arme impitoyable. 

Douze pas. La nature n'a pas cessée de respirer. Les oiseaux continuent de gazouiller. Tu n'es plus et pourtant, tout autour de toi respire la vie. Je suis en vie grâce à toi. Lentement, je rengaine mon arme. Je sors un petit miroir de mon sac à main et replace ma chevelure. Tu n'étais qu'une parmi tant d'autre. Une garce, une pute, une salope, une mère, une soeur, une amie, une inconnue. J'ai aimée ta mort. J'ai savourée ta vie. Mais je suis la chasseresse et toi, tu n'étais que la cible.

Vous tous, ne serez toujours, qu'une victime pathétique entre mes crocs éternelles. 

- FIN -

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