samedi 20 septembre 2014

L'église

L'église l’obsédait. Elle passait devant parfois d'un pas lent, parfois d'un pas rapide quand elle pensait, qu'elle était observée. Les jours où elle faisait fit des regards, elle osait grimper les marches de pierres cassées, signe de l'âge avancée du bâtiment, et s'approchait d'un pas lent des immenses portes de bois. Elle jetait parfois un regard à l'intérieur, admirant les majestueux lustres au plafond et les vitraux au couleurs éclatantes qui reflétaient, les beaux jours, tout un arc-en-ciel.  Elle ne rentrait jamais à l'intérieur. Elle avait peur.

L'église était plus qu'un symbole pour elle. Elle était l'image même de la force et de l'espoir. Car même après tant de décennie, elle était toujours debout. Même si les gens avaient moins la foie, même s'ils s'entretuaient, même s'ils blasphémaient, Elle restait fièrement sur ses fondations, portes ouvertes, prête à accueillir un fidèle égaré.

L'église ne jugeait pas. Du moins, elle voulait le croire de toutes ses forces. Elle avait besoin de s'en convaincre car elle avait un secret à confesser. Ce secret, tapis dans son cœur, la meurtrissait depuis toujours et elle avait, non, elle devait le confesser à l'église. C'était la seule solution. Sa vie n'avait jamais eu de saveur à cause de ce qu'elle cachait. Tous ses actes étaient dictés par cette information confidentielle. Depuis qu'elle avait 9 ans. Depuis qu'elle avait vu et depuis qu'elle était restée silencieuse, elle savait qu'un jour, il faudrait qu'elle parle.

Le silence pesant de son désarroi, mais aussi de sa faiblesse lui rongeait l'âme. Elle s'en était toujours voulue de n'avoir pas su comment agir. Elle aurait dû le savoir. Ses immenses yeux d'un turquoise éclatant auraient dû pouvoir analyser la situation et lui donner la réponse. Mais elle avait fermé les yeux. Elle avait failli.

Aujourd'hui, ses immenses yeux turquoise, ne sont plus éclatant de la jeunesse innocente. Ils brillent d'une lueur approchant le désespoir. Un désespoir plus grand que ses 23 ans et de son mètre 70. De toute sa jeune vie, jamais elle n'a réussi à se pardonner son inactivité ce jour fatidique. Expier sa faute ne sera pas suffisant, elle doit la payer. L'église est sa seule solution, sa seule amie et sa seule maîtresse.

Vêtue d'une longue jupe d'un lavande pâle et d'un chandail blanc, elle est à genou sur les marches les mains jointes. C'est la fin de l'après-midi d'une journée d'automne grisâtre. Les arbres sont dépouillés de leurs feuilles et le vent souffle impitoyablement une brise d'un froid sauvage. Elle ne porte ni manteau, ni bas. Elle est pied nu et elle grelotte sur les marches. Elle attend. Le ciel d'un gris menaçant gronde au-dessus de sa tête. Il n'y a personne à l'extérieure, mais elle serait là même s'il y avait eu des spectateurs. Elle ne se cachera plus.

Ses longs cheveux d'un blond sable s’enroulent autour de son cou et de son visage blanc. Elle est belle. Elle ne s'est jamais souciée de sa beauté. Elle n'a jamais vu les regards que les autres lui jetaient, parfois à la dérober, parfois sans vergogne. Elle était emmurée dans sa peine et sa solitude. Elle ne voyait rien, que son chagrin.

Et même si elle croyait voir tout ce qui se passait depuis ce jour fatidique, elle n'avait jamais aperçu non plus le jeune homme à l'entrée de l'église qui l'observait chaque fois qu'elle passait. Si elle l'avait vu, elle aurait été troublée par le sourire en coin qu'il esquissait chaque fois qu'elle passait devant l'église. Un sourire arrogant.

Et aujourd'hui, il était là, l'observant se prosterner sur les marches froide de l'église. Il se mordait la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire. Toute cette mascarade l'amusait. Il trouvait cela presque jouissif. Que croyait-elle faire ainsi voûtée sur les marches à grelotter comme une brindille d'herbe un soir de tempête. Ne pouvait-elle voir que cela ne servait à rien ? Sa culpabilité était-elle si grande qu'elle l'aveuglait au point de ne pas comprendre qu'aucune prière ne s'envolait vers cet improbable Dieu. Ignorait-elle qu'il était trop tard et ce depuis l'instant où elle avait fermé les yeux ou essayait-elle de racheter sa faute ? Peu importe en fait qu'elle que fût ses raisons, elle ne parviendrait pas à ses fins pour la seule et bonne raison qu'il était là.

Il avait toujours été là. Il était la projection de sa faiblesse et de sa culpabilité. Il existait car elle ne pouvait le faire disparaître. Et même si tous les anges des cieux se tenaient à ses côtés pour lui chuchoter des paroles rassurantes, elle n'entendait que ma voix. Elle voulait un miracle, mais elle refusait mon aide. Et pourtant, j'étais le seul à pouvoir l'aider. Prier ne pouvait qu'apaiser temporairement sa douleur. Il aurait fallu qu'elle puisse écouter. Qu'elle puisse voir ce qui s'était réellement passé ce jour là. Mais elle s'était enfermée dans sa culpabilité, lui avait donné toute sa vie et lui avait créer une image si monstrueuse que jamais elle ne pourrait l'oublier.

Elle ne voulait pas savoir que même si elle était de descendance angélique, elle avait le droit à l'erreur. Ses ailes étaient à présent maculées du sang qui avait éclaboussé son visage, ses mains et touts les murs autours quand d'un geste décidée, sa sœur aîné s'était enlevée la vie. Elle avait toujours crû qu'elle aurait dû pouvoir l'arrêter car elle était un ange. Elle avait les pouvoirs Célestes. Mais elle n'avait rien fait. La fillette de 9 ans était restée pétrifiée sur place, incapable d'agir ou de parler. Incapable d'avertir sa sœur qu'elle était là juste derrière elle. Et le coup avait retentit. Un paow si assourdissant que les murs avaient vibrer, que le corps avait été projeté vers l'arrière et que des morceaux de cervelles s'étaient retrouvées un peu partout dans la chambre refaisant ainsi la décoration. Tout ce qu'elle avait vu, c'était son impuissance à arrêter toute cette horreur. Elle n'avait pas vu les démons qui encerclait sa sœur et qui lui avait murmuré à l'oreille tout le désespoir du monde. Jamais une fillette même si elle était un ange, n'aurait pu les combattre. Alors elle avait fermée les yeux souhaitant ne plus jamais rien voir.

Il descendit lentement les marches de pierre jusqu'à elle. Il écarta une mèche de ses cheveux cendrés pour contempler la beauté qu'elle était. On l'avait créée pour aider l'humanité mais l'humanité l'avait abandonné aux mains du désespoir depuis longtemps réduisant ainsi tout effort de ce Dieu à néant. L'ange avait échoué. Elle n'avait pas su guérir de la blessure de l'échec. Elle avait reniée la lumière et à présent, perdu dans ce labyrinthe de noirceur, elle cherchait ce qu'elle ne pouvait trouver.

Il caressa doucement sa joue froide, presque glaciale. Elle sursauta à son contact, chercha des yeux d'où cette chaleur sur son visage pouvait provenir. Elle ne le voyait pas. Il sourit. Il ouvrit les bras et la serra contre lui. Une odeur de lavande se dégageait de sa peau. Elle était douce. Il l'aimait. Il aimait sa vulnérabilité et son regard agrandit d'effrois. Il aimait ses lèvres invitantes, l'éclat de ses iris turquoise qui peu à peu se refroidissaient sous la menace impitoyable du temps. À présent il neigeait, mais elle ne bougeait pas. Personne ne venait à elle. Ils ne la voyaient pas car il la dissimulait aux regards des humains. Quelques larmes finirent par glisser sur ses joues livides. Elle avait compris. Dieu ne viendrait pas lui ouvrir ses bras. Elle était seule. Seule avec son désespoir qui lui broyait le cœur et l'âme.

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