mercredi 21 septembre 2016

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***


Je lui ai sorti un Yop de la poche intérieure de mon manteau et je lui ai tendu, le regard brillant d’espoir.

-Tu sais que t’es pas mal comme mec, finalement.
-Coupez ! Ça ne va pas du tout. Il faut de la passion, de l’amour, je veux que dans tes yeux ont y lise : j’ai envie de te baiser. Capitchez, Sonia ?
-Mais comment veux-tu que j’aie envie de baiser ce mec, tu l’as regardé, oui ?

Je lui ai souri, mais en réalité, j’avais juste envie de lui cracher à la figure. Elle se moquait, mais elle ignorait à qui elle avait réellement à faire. Ce n’était pas ma faute non plus, si j’avais des boutons. J’avais fait hier, une réaction allergique à ma crème à raser. Puis, est-ce qu’elle s’était regardé, elle ?

-Allez les amants maudits, on recommence et cette fois-ci, je veux de la verve et de la ferveur.

J’ai levé les yeux au ciel. Notre metteur en scène se la pétait peut-être un peu trop et si ce n’avait été de mon agent, il y a longtemps que j’aurais mis les voiles d’ici. J’ai tout de même repris ma position et quand j’ai entendu : action, crié très fort, j’ai sorti mon Yop pour la quatorzième fois, de mon blouson en jean.

-Coupez !
-Comment ça, coupez ? On a même pas parlé, encore ! Me suis-je exclamé, offusqué.
-Justement, ton langage corporel est lamentable. Le Yop, là, c’est le Saint Graal, la septième merveille du monde, le Calice, pas un vulgaire machin du coin. Qu’est-ce que vous comprenez pas là dedans, dites-moi ?

Sonia, en diva à en devenir qu’elle était, a haussé les épaules avec indifférence. Cette chipie n’allait pas lever le petit doigt pour nous dépêtrer de ce tournage interminable. Je me suis avancé vers elle, les épaules droites et le regard déterminé, enfin, j’espérais que ça avait l’air de ça.

-Écoute, j’en ai autant marre que toi, sinon même plus, mais on est coincé ici jusqu’à ce qu’on joue cette pub à la perfection, alors, s’il vous plaît, fais-moi le plaisir d’y mettre de l’entrain et de la paaaaassion.
-Ce n’est pas moi le problème, je fournis tous les efforts possibles et imaginables, mais je n’y peux rien, ta tronche ne me reviens pas. Tu as une sale gueule.
-Putain de bordel de merde que tu es butée. T’aurais besoin d’une bonne correction pour te remettre les idées en place. Ici, c’est pas un palais, c’est un PLATEAU DE TOURNAGE.
-Ça va, pas besoin de hurler, je ne suis pas sourde. Puis, ce n’est pas tes boutons, le problème, c’est ton nez, il est trop gros.

J’ai levé la main pour la gifler et savourait déjà les biens-fait de cette remise à l’ordre mérité, quand un cameraman m’attrapa le poignet et le tordit dans mon dos.

-Vous allez arrêter oui ? On dirait deux enfants de douze ans. C’pas croyable ça. On vous demande une chose et vous n’êtes même pas assez professionnel pour le faire.

-Lâchez-moi, vous me faites mal.
-J’espère bien, gamin et vous, Sonia, cessez de jubilez. Vous ne valez pas mieux.

J’ai serré les dents d’agacement et Sonia, à croiser les bras sur sa poitrine la moue boudeuse. Le metteur en scène s’est avancé vers nous, le regard menaçant.

-C’est mon dernier avertissement. Je me fiche bien de savoir qui vous êtes. Ou vous tournez cette pub, ou je vous renvoies sur le champs et vous pouvez dire adieu à votre joli cachet. Allez, sa tourne dans dix.

Le cameraman m’a relaché et j’ai pris d’un geste rageur le Yop. Sonia s’est positionné près de moi, devant les arcades et elle m’a fait une mimique de dégoût. J’ai voulu lever les yeux au ciel, mais le action a retentit…


***
-Chérie, vient vite.
-Ça ne peut pas attendre ? Je dois surveiller de très près la cuisson du saumon. Je sais que tu l’aimes quand il est rose pâle...
-Le poisson peut attendre, c’est une surprise, allez vient.

J’ai distingué des marmonnements incompréhensible et j’ai souris en l’entendant arriver. Elle a passé le cadre de la porte du salon et mon coeur s’est emballé. Elle avait peut-être beaucoup de cheveux blancs et quelques rides qui marquaient une vie bien remplis, bien vécue, mais à mes yeux, elle restait encore et toujours la même.

-Pourquoi tu me fais courir comme ça ? Je n’ai plus vingt ans, tu sais ? Dit-elle légèrement essoufflée.

Je lui ai tendu ma main parcheminé de rides et elle l’a prise avec affection tout en rechignant un peu pour la forme. Je me suis sentie choyé de l’avoir encore à mes côté depuis tout ce temps.

-Regarde, il y a un spécial sur les années quatre-vingt dix à la télé. Il passe notre pub. Tu te souviens, Sonia ?

FIN.

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