vendredi 17 octobre 2014

La peur

Ce texte a été écrit avec un thème qui était La peur.


Je t'observe tendrement, le cœur battant un peu plus fort à chaque seconde. Le silence est total, seul notre respiration dissonante, fait écho dans cette pièce vide. Murs blancs, troués à plusieurs endroits, vestiges d'une autre vie que la nôtre. Plancher en bois de pins, jolie mais usé. Aucun meuble, ni lit ne donne de personnalité à cet endroit. Seulement un matelas à même, le sol, posé dans le coin le plus reculé de la minuscule pièce. Notre île au milieu du désastre. 

Tu es couché en boule, les genoux remontés jusqu'au menton. Je ne peux m'empêcher d'être étonné de ton habilité à dormir ainsi, abandonné et sans défense, surtout quand dehors, la colère gronde, tel une journée orageuse. Seulement aujourd'hui, ce n'est pas de la pluie qui se déversera sur nous, mais des milliers de flèches haineuses portant en elles le message de leur ignorance. Ils brandissent leur mépris, peint sur des pancartes, en couleur du fluide vitale qui pourtant, nous unis tous, comme des boucliers contre l'abomination que nous sommes. Autant d'années, pour revenir à ces siècles d'esclavages. 

Une rumeur grimpe le long des murs qui nous protègent et vient se fracasser à la minuscule fenêtre qui déverse le peu de lumières de ce début de journée. Une aube grisâtre aux allures de fin du monde. Je frisonne convulsivement. Comment arrives-tu à dormir ? À faire abstraction d'eux, de nous ? J'ai si peur, pour toi, pour moi, pour eux. J'ai peur mon amour que leurs folies nous brisent. Je sursaute quand je sens glisser lentement sur mes joues des larmes brûlantes de leurs arrogances. Le danger rode dans chaque cri qui se heurte aux murs de notre refuge. Il est là, aussi, tapi dans l'invisible qui nous sépare, toi et moi. Tu dors, à point fermé, mais pas moi. 

J'entends des bruits de pas dans la cage d'escalier. Ils arrivent. Ils psalmodient des phrases vident de sens, vident d'amour. L'humanité se meurt, elle ne grandit plus, elle se brise sur l'inintelligence de ce que la technologie à fait de nous. Des esclaves sans cervelle, sans tolérance et sans étincelle de compassion. Et moi, je pleure pour toi parce que je ne saurais pas avoir peur pour moi. C'est toi la pureté d'entre nous deux. C'est toi qui possèdes les yeux d'un bleu aussi pur que l'eau des pays chauds, le sourire d'une matinée d'été, le corps des nuits du début d'automne. Ils sont nombreux, j'entends résonner leurs présences partout autour de nous. Ils nous envahissent, nous exhortent de sortir de nous rendre. Tu t'agites. J'ai peur que tu te réveilles. Je ne veux pas voir ton joli minois se crisper sous la souffrance, je ne veux pas contempler tes larmes. J'ai peur Maïck. Tellement peur. 

Quelqu'un tambourine à la porte. Je sursaute violemment. J'ai envie de leur hurler de partir, de nous laisser en paix. L'amour n'est-il pas au-dessus de tout ? Je ferme les yeux, je vois les graffitis qu'ils dessinent sur les murs : Sales pédales - crevez enfants de Satan Les Pédés n'ont pas d'avenir, vous êtes des abominations de la nature, vous devriez mourir. Tant de haines Maïck, si tu les entendais, tu en serais choqué. Je renifle puis me lève. Il ne me reste que quelques secondes avant que tu n'ouvres les yeux, avant que ton innocence ne soit bafouillée, avant qu'ils nous tuent. Ils ne s'arrêteront pas avant que le sang coule, le nôtre, pour laver la terre de notre pêché. Tel est la vision qu'ils ont de nous, mais ils n'ont rien compris. Ils sont faibles. Mais nous, nous sommes plus que la somme de ce qu'ils ne seront jamais. Je m'approche doucement de toi. J'esquisse un sourire parce que tu es beau. Je m'assieds à tes côtés, regarde ce qui m'a fait craquer la première fois que je t'ai vu. Nous avons défié les lois, ces lois idiotes et sans fondements. Je t'ai entraîné dans cette horrible histoire, tu ne méritais pas cela. Tu méritais tellement plus. 

Je tremble Maïck, j'ai si peur. Ils sont des dizaines, sûrement des centaines à s'élancer contre la minuscule porte qui nous sépare d'eux. Elle va céder, je vois les gonds se tordes. J'ai peur Maïck. J'inspire profondément et dépose un léger baiser sur tes lèvres. Alors, doucement, comme dans ces contes enfantins, tu t'éveilles. Tes yeux se gorgent de lumières. Je souris, éblouis, puis, j'appuie sur la gâchette de l'arme à feu que je tiens, mais que tu n'as pas eu le temps d'apercevoir. Au même moment, la porte s'ouvre, fracassé par la haine. Je te serre dans mes bras et ton sang, me macule les vêtements. Je t'aime Maïck. Ils ne pourront plus te faire du mal, ils ne pourront plus te salir. Tu es à moi Maïck, pour l'éternité.

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